L’IA pour en finir avec la bureaucratie

L’IA pour en finir avec la bureaucratie

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Pour que cela fonctionne

Singapour, Suède, Japon… De nombreux pays permettent de s’adresser à un robot conversationnel pour poser une question ou effectuer un acte administratif

«Débureaucratiser» était un des mots d’ordre du Premier ministre lors de son discours de politique générale. Selon David Lacombled, dans le rendez-vous de La villa numeris sur B Smart, la technologie pourrait s’avérer être un précieux allié.

Delphine Sabattier: L'intelligence artificielle peut-elle nous aider à débureaucratiser la France?

David Lacombled: Imaginez! Imaginez un instant un pays où, quand vous avez une question à poser, un problème administratif à régler, vous preniez votre smartphone et vous adressiez à un robot conversationnel, un chatbot. Il vous répond et accomplit des actes pour vous. Il vous guide au mieux des méandres administratifs, il retient vos données, il préremplie vos formulaires. Ce pays, imaginez le. Il existe. Singapour déploie depuis dix ans un agent conversationnel. D'ailleurs, je devrais dire «une» puisqu'elle s'appelle Ask Jamie. On pourra peut-être y consacrer une autre chronique sur le fait que les assistantes numériques sont des femmes. La plupart du temps dans leur appellation. Mais au-delà, j'aurais pu également vous parler de l'Estonie qui est devenue un état plateforme où tout est concentré sur une plateforme numérique sécurisée.

Delphine Sabattier: Alors si on s'intéresse à la France et qu'on regarde le nombre d'agents dans la fonction publique qui dépasse les 5 millions, c'est à dire autant d'habitants qu'à Singapour. Quelle est l'idée, c'est de les remplacer par des IA? Non, quand même.

David Lacombled: Pas plus que dans les organisations privées, on va remplacer les êtres humains par des machines. Mais il y a un risque néanmoins que ces êtres humains soient remplacés par d'autres êtres humains qui sauront maîtriser la machine. Et c'est en cela que, en France, on a quand même une longue histoire liée à l'administration. Il faut remonter à Louis XIII, le règne 1601-1643, avec cette concentration qui fait qu'aujourd'hui, effectivement, on a une toute puissante d'administration comme sur un piédestal. Mais on a bien vu avec les transformations numériques, ceux qui sont sur un piédestal sont aussi ceux qui chutent le plus rapidement et donc effectivement, il convient de s'y préparer, ne serait-ce que face à une pression des citoyens qui sont aussi des consommateurs et qui sont par ailleurs très bien traités par les marques. Vous avez un soucis avec Amazon, vous appelez, on vous répond dans la minute, on vous règle le problème et ça devient une sorte d'étalon mondial de la qualité de service. Et vous aimeriez que tout fonctionne aussi bien, que ce soit vos services administratifs ou publics aussi.

Delphine Sabattier: Alors qu'est-ce qu'on fait justement avec toute cette fonction publique? Lance un énorme programme de formation?

David Lacombled: La formation me semble un préalable, effectivement, à l’attention de tous vos salariés. Certains pays l'ont fait. Regardez ce qui se passe en Suède en particulier. Effectivement, c'est un plan massif. Alors on peut se rassurer sur un pays comme la France qui fait des expérimentations. Si vous regardez les annonces de l'ex et certainement futur ministre de la fonction publique, avec des questionnaires et des enquêtes, ça c'est rassurant. Osez la fonction publique, disait le ministère, C'est bien beau, mais faut-il encore promettre l'autonomie à ceux qui en deviendront les agents de valoriser les parcours parce qu'on sait très bien que c'est pas par les salaires qu'ils pourront accueillir et faire venir de nouveaux fonctionnaires demain. Donc la formation en premier lieu et ensuite la simplification, ne serait-ce que pour établir des relations de bon aloi avec leurs usagers qui sont aussi devenus des consommateurs.

Delphine Sabattier: Mais ça ne veut pas dire que quand on installe un service numérique de l'intelligence artificielle, des assistants, on doit se passer de la relation humaine parce qu'il y a ce sujet de la fracture numérique, évidemment qu'il ne faut pas oublier. Et puis il y a ce lien quand même qu'on doit garder dans le service public ce lien très, très humain.

David Lacombled: Exactement. Et d'ailleurs, en principe, ça devrait permettre de libérer du temps puisque la machine, on le voit bien avec les intelligences artificielles générative, facilite et améliore la productivité. Donc du temps libre, il y en a, il faut bien le consacrer à la relation humaine. Regardez dans le privé, les radiologues ont su, grâce à la massification des intelligences artificielles, avoir des diagnostics meilleurs et donc un peu plus de temps pour l'expliquer à leurs patients. Ça devrait être la même chose dans la fonction publique. Parce que si l'idée est de déléguer avec du numérique des tâches qui leur incombaient à leur client, ça ne rime à rien. Aujourd'hui, vous prenez un train en dernière minute, vous devez prendre un billet au guichet, on vous demande votre date de naissance, à quoi bon, à quoi ça rime? Et c'est là où le numérique ne doit pas être un instrument d'encadrement et finalement d'oppression, mais au contraire libérer, et se libérer c'est libérer du temps. Pour nouer des relations humaines, peut-être un peu plus fines, un peu plus fortes et in fine, prendre le temps de se parler.

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