3 questions à...
David Martinon : «Ouvrir la boîte noire du domaine réservé»
L'ambassadeur pour la cyberdiplomatie et l’économie numérique dirige pour le ministère des Affaires étrangères et du développement international (MAEDI) la consultation publique sur la stratégie internationale de la France pour le numérique à laquelle a répondu La villa numeris
//. La villa numeris : Pourquoi avoir choisi une consultation publique, par nature inédite et originale, pour définir la stratégie numérique de la France ?
David Martinon : Ouverte au lendemain de la Soirée numérique du 22 novembre 2016, la plateforme de consultation publique de la stratégie internationale de la France est le résultat d’une démarche inédite pour le Quai d’Orsay, portée dans un souci de cohérence (articuler une approche stratégique qui reflète les positions de la France sur l’ensemble des enjeux internationaux du numérique) et de transparence (associer les citoyens et les acteurs du numérique à la définition de cette « feuille de route » diplomatique).
Ouvrir ce texte à consultation publique, c’est-à-dire permettre à l’ensemble des citoyens de le discuter, nous a semblé nécessaire : d’abord pour entendre, et dialoguer, directement avec ceux qui seront concernés en premier lieu par ces mesures ou qui se consacrent pleinement aux enjeux qu’elles abordent, c’est essentiel pour le numérique qui est un enjeu par définition transversal, mais aussi pour continuer, voire accélérer, le processus de modernisation et de transparence impulsé au Quai d’Orsay. Ouvrir la boîte noire du « domaine réservé » de la politique étrangère.
//. La phase de consultation est à présent terminée. Quels en sont les premiers enseignements ?
La plateforme a recueilli à ce jour 364 contributions et 646 votes formulés par 132 participants. C’est une consultation qui a été essentiellement citoyenne, avec des exceptions notables venant de personnalités importantes du numérique, des institutions, syndicats et associations : la CNIL, le CNNUM, l’ARCEP, TECH IN France, La villa numeris, mais aussi Louis Pouzin, Chantal Lebrument et Gilles Babinet.
Nous sommes toujours en train d’effectuer le travail de synthèse, mais les premiers enseignements qui se dessinent sont de deux ordres :
- Concernant les propositions du MAEDI : les propositions les plus fédératrices et suscitant le plus d’adhésion concernent en grande partie – et dans l’ordre – les enjeux liés à la gouvernance, à la maîtrise des données personnelles, à l’utilisation d’internet dans le cadre de politiques de développement et à la lutte contre l’usage d’internet à des fins criminelles et terroristes. Paradoxalement, ce sont aussi elles qui suscitent le plus de contre-arguments et de désaccords (toutefois en deçà de l’adhésion qu’elles suscitent). Cela illustre bien que ces thèmes sont clivants, mais qu’un consensus en la faveur de nos positions semble se dégager.
- Concernant les propositions citoyennes : elles appellent le plus souvent à un renforcement des actions diplomatiques portées aujourd’hui par le Quai d’Orsay et non à une redéfinition profonde de celles-ci :
- Sur le volet économique, elles demandent aux diplomates de consolider encore leur soutien aux entreprises numériques françaises et européennes.
- Sur le volet maîtrise des données personnelles, elles demandent aux acteurs de continuer à agir pour clarifier et protéger l’utilisation qui est faite de leurs données personnelles (notamment par les GAFA).
- Sur le volet sécuritaire, les citoyens demandent de soutenir le renforcement de la souveraineté numérique européenne et française.
- Sur le volet des politiques culturelles et de développement, ils invitent les diplomates à s’appuyer plus largement sur les outils numériques, à la fois pour diffuser la culture, la langue et le savoir français, mais aussi pour soutenir le développement de certaines populations en favorisant leur inclusion numérique.
Enfin, elles soulignent la nécessité pour la France et l’Europe de peser davantage dans les instances de gouvernance d’internet et souligne l’importance de mettre à distance (et réduire) l’influence américaine sur ces dernières, notamment avec le développement de politiques qui promeuvent l’open data, domaine pour lequel la France a de nombreux talents et programmes à faire valoir.
//. Quelles seront les prochaines étapes ?
DM : La synthèse sera prochainement visible par tous sur la plateforme de consultation publique. Cette synthèse dessinera une cartographie plus fine des différents arguments, votes et remarques échangés par les participants. Elle permettra de mieux comprendre ce qui s’est dit, les enseignements à tirer et les positions du Ministère sur les différents enjeux traités.
Nous publierons ensuite dans le courant du mois nos réponses aux trente contributions qui ont été les plus soutenues et qui posent des questions majeures permettant de clarifier, justifier et enrichir la position du Quai d’Orsay sur certains enjeux.
Enfin, nous réfléchissons à un format utile de restitution de notre feuille de route diplomatique qui intégrera les commentaires et propositions qui auront retenu notre attention et été validées par les différents acteurs de l’Etat concerné.