#DigitalTrends #MédiaNewBiz S1E4 | 07/07/20 | Compte-rendu
Innovation, premium et diversification pour construire l’avenir du Monde
Louis Dreyfus, président du directoire du groupe Le Monde, partage son regard sur l'avenir de la presse.
Alors que la crise du Coronavirus souligne les fragilités de la presse et au terme d'un cycle de trois rencontres de La villa numeris sur l'avenir du secteur, Louis Dreyfus a fait le point sur la situation de son Groupe et présenté ses projets.
L’appui des lecteurs
«On a un groupe qui repose sur ses lecteurs». Les liens tissés avec ceux-ci sont précieux. Aussi, 69% du chiffre d’affaires provient des ventes. Au regard de la crise du Coronavirus, ils sont manifestes. «Nous allons garder un socle de revenus plus important que les médias gratuits qui dépendent uniquement de la publicité», décrypte Louis Dreyfus. Aussi, il explique que la vocation du groupe Le Monde est d’«aller recruter le plus grand nombre». Le site Internet du quotidien est accessible gratuitement. L’homme de médias note ainsi : «nos lecteurs gratuits sont nos futurs abonnés payants. Nous investissons beaucoup sur le live avec des interactions en permanence. Nous répondons à nos internautes. Nous considérons que «Le Monde» est un bien commun ; on a un devoir d’informer le plus grand nombre». Les enjeux sont légion quant au lectorat notamment sur le numérique. Au sujet des droits voisins, le président du directoire du groupe Le Monde évoque «le groupe de travail qui représente la presse quotidienne». «Les montants discutés sont très éloignés de ce qui devrait être payé par les plateformes», déplore-t-il. Aussi, il souhaite vivement que celles-ci comprennent «qu’il est de leur intérêt de trouver un accord. J’encourage à trouver les bases d’un accord assez vite.»
Une évolution du modèle
«Un triplement du rythme de recrutement». Pendant la crise du Coronavirus, les titres du groupe Le Monde, à l’image de «Télérama», «L’Obs», ou encore «Courrier international», sont en forte progression. Il en va de même pour le quotidien du soir. «On a fini le mois de mai avec plus de 300.000 abonnés purs numérique», témoigne Louis Dreyfus. «Cela change notre modèle». Celui de la vente en kiosque a laissé place à celui de l’abonnement. «Nos abonnés payent, en moyenne, plus de 10 euros par mois avec une croissance qui continue. Cette trajectoire va modifier complètement notre modèle économique», considère-t-il. Le développement de l’abonnement participe de l’indépendance financière du groupe. L’objectif visé à horizon 2025 ? «Un million d’abonnés».
«Nous avons un axe de développement très clair : la francophonie», explique Louis Dreyfus avec notamment «Le Monde Afrique». Il regrette le manque de dispositifs publics aidant «dans cette stratégie d’investissement. Aujourd’hui, on investit à perte en considérant que c’est notre avenir.» Il juge que ces investissements sont «importants pour l’économie des médias et le développement de la France». Tout en veillant à ne pas fragiliser les valeurs de la marque ombrelle, le groupe Le Monde «essaie de créer d’autres sources de revenus» souligne-t-il. L’attention est portée sur des thématiques très proches de la rédaction. Il évoque, ainsi, les cycles de conférences autour de l’urbanisme avec «des programmes conçus et animés par la rédaction». Pour Louis Dreyfus, «on peut aller sur d’autres métiers mais aussi sur d’autres territoires.» La diversification a pour but, selon lui, «d’élargir [l’] audience, et consolider [le] modèle économique» du groupe.
Miser sur le contenu
«Investir dans le contenu : plus de formats, plus d’expertises», telle est la volonté de Louis Dreyfus, qui met en exergue le rôle d’un contenu de qualité, et cela, dès son arrivée au sein du groupe qui compte aujourd’hui plus de 450 journalistes. «Plus de ressources se traduisent par plus de formats et plus de temps pour les réaliser» explique-t-il. Aussi, 13 personnes se sont consacrées, pendant un an, au sujet des féminicides. «On a pris le parti de diffuser que des informations que nous produisions nous-mêmes». Aussi, chaque contenu est «assumé et revendiqué par la rédaction», rappelle-t-il. Les contenus participent de la réponse aux fakes news. Pour lui, il est nécessaire de répondre à ces dernières par «une somme d’initiatives individuelles». Il prône la valorisation des médias premium et évoque le modèle freemium du Monde. Le groupe touche 23 millions de Français chaque mois. Louis Dreyfus explique ainsi : «nous avons lancé une offre famille», celle-ci permet de partager les contenus.
De l’agilité
L’innovation est bien au rendez-vous. Louis Dreyfus cite «les groupes de travail entre les rédactions et la publicité» avec la réflexion autour de nouveaux formats pouvant être intégrés. Elle s’inscrit de longue date. «On a décidé en 2012, de lancer le Huffpost, que nous avons choisi d’utiliser en laboratoire», se souvient le président du directoire du groupe Le Monde. Aussi, les équipes de la rédaction s’inscrivent en mode projet. Les tests de contenus à destination des jeunes ont lieu. Deux ans avant l’arrivée de la version française de Snapchat, le fondateur se rend dans la rédaction du Monde. Celui-ci devient «la première marque media» du réseau social. L’édition Snapchat du Monde rassemble plus d’1.400.000 abonnés de moins de 18 ans. L’équipe qui en a la charge compte 7 journalistes de moins de 30 ans. Louis Dreyfus insiste sur l’importance de la capacité à lancer des projets. Cela se manifeste notamment par la présence d’entrepreneurs au sein de l’actionnariat du groupe Le Monde. L’agilité et l’innovation sont parties prenantes des bonnes nouvelles et des résultats du groupe. En mai, il y a ainsi eu 390.000 exemplaires payés du quotidien. La diffusion croit «sans s’arrêter mois après mois depuis plusieurs années», se réjouit Louis Dreyfus. En dépit de la conjoncture, l’horizon semble bien s’éclaircir pour les médias.
//. Pour aller plus loin :
- La synthèse des travaux «Oui, la presse a de l'avenir» >> Lire
- Comment le modèle «premium» s’installe-t-il dans le paysage économique des médias ? >> Lire
- Le Native advertising, seul eldorado des pure players ? >> Lire
- Comment la presse se diversifie-t-elle ? >> Lire
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