#DigitalTrends Compte-rendu de la rencontre du 3 octobre
Menace sur la démocratie
En mai 2019, 27 pays de l’Union européennes voteront pour le renouvellement du Parlement européen. Nous gardons en mémoire les ingérences lors des élections présidentielles américaines et françaises ou encore lors du référendum sur le Brexit en Grande-Bretagne.
A un peu plus de six mois du scrutin, La villa numeris réunissait des experts pour mieux comprendre la réalité de la menace et et des défis pour les démocraties et proposer des solutions pour lutter et se protéger.
Les manipulations de l’information tendent à s’immiscer dans nos sociétés
« Si la liberté d’expression s’est formidablement accrue, nous sommes aujourd’hui dans un système totalement dérégulé ». Depuis la Déclaration des droits de l’Homme, voilà 70 ans, la réalité est toute autre, « avec les nouvelles technologies qui ont ouvert à la liberté d’expression » souligne Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières. Ces outils jouent un rôle clé. Aussi, le président de La villa numeris, David Lacombled rappelle qu’« Internet est devenu le premier canal d’information pour les jeunes. C’est un terrain stratégique de l’information et de son amplification ».
Il est crucial de définir les termes de ces entreprises de déstabilisation note Marine Guillaume, chercheuse, chargée de mission au Centre d’analyse, de prévision et de stratégie du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. « Les manipulations de l’information sont l’inverse d’un buzzword. » explique-t-elle en relevant « la volonté de nuire politiquement » ainsi que la dimension d’ « ingérence ». En effet, les autres Etats, à l’image de la Russie, prennent part à « cette crise de confiance » présente dans nos sociétés, selon l’expression de David Lacombled. Partenaires de La villa numeris, Storizy et Brandwatch relèvent que 13% des mentions du mot « Migrants » sont issues des sources de désinformation sur les 175 000 mentions en septembre 2018.
Des acteurs multiples
Il est nécessaire de poser les différents pouvoirs pour « éviter les sables mouvants » comme le rappelle Christophe Deloire. Aussi, Marine Guillaume insiste sur l’importance de la distinction entre « ce qui relève du rôle de l’Etat, de la société civile et des acteurs privés ». En effet, les frontières ne sont plus étanches comme le souligne Christophe Deloire. De plus en plus, les distinctions entre les espaces publics et privés, entre les espaces publics et entre les différents secteurs sont peu lisibles. Il est en train de devenir de même pour la distinction entre l’homme et la machine. Il faut, d’après le secrétaire générale de Reporters sans frontières « des principes de l’organisation de l’espace public ». Il insiste sur l’importance de la gouvernance. Aussi, Reporters sans frontières crée « une commission sur l’information et la démocratie » afin de rédiger une déclaration internationale sur l’information et la démocratie.
L’Etat se doit d’être irréprochable affirme David Lacombled. En effet, « Il doit être exemplaire et vertueux avant de demander au marché la même chose ». Pour Christophe Deloire, il est essentiel de « remettre des principes à travers des règles dans l’écosystème de l’information. Il est normal que ces principes soient imposés. On doit avoir une réponse qui s’inscrit sur la structure de l’espace public ».
« Il faut s’intéresser à d’autres dispositifs de régulation » considère Christophe Deloire pour qui « les solutions envisagées ont des limites » à l’image du fact checking.
Des initiatives à mettre en place
De l’importance de l’agenda politique et médiatique. « Si l’on veut éviter une dérive radicale, on doit considérer que ces questions sont aussi fondamentales que celles du climat. » alerte Christophe Deloire.
La dimension locale a un rôle considérable. C’est un pilier important pour Marine Guillaume. Présent lors de la matinée, François Decoster, maire de Saint-Omer relève « le besoin du rétablissement du tiers de confiance » qui est incarné par la figure du maire. L’élu du Pas-de-Calais explique que le premier édile peut de ce fait « expliquer la situation et ainsi calmer les esprits ». Il s’agit de travailler sur « des logiques d’intérêts » entre les différents protagonistes. Il peut s’agir ainsi de « lier les intérêts de la société et les intérêts économiques des acteurs. » Afin de « changer la donne » et de lutter contre la désinformation en ligne, Reporters sans frontières, l’Agence France-Presse (AFP), l’Union européenne de radio-télévision (UER) et le Global Editors Network (GEN) ont lancé un dispositif innovant d’autorégulation des médias : la Journalism Trust Initiative (JTI).
La force du contenu
« Le journalisme est un métier ». Pour François Decoster, il est utile de le rappeler. Le journalisme joue un rôle clé tant pour la société que pour la démocratie. Aussi, Guillaume Goubert souligne que « l’on a besoin de journalistes ». Ces derniers ont aussi des devoirs. Pour le directeur de La Croix, « ils doivent tendre vers un idéal : servir la vérité ». Il évoque ainsi, le slow journalism pratiqué par le quotidien qu’il dirige. Le journal donne une part importante au temps de la réflexion. Pour lui, « la bataille se joue sur les contenus rédactionnels. Si le New York Times remonte la pente c’est grâce à sa qualité rédactionnelle ».
Ainsi, Christophe Deloire rappelle « les vraies corrélations entre la démocratie et l’information fiable ». Les manipulations de l’information blessent la société et la démocratie. Il en va de la survie de la démocratie. C’est bien l’enjeu clé du débat.
//. A noter
Cet événement a reçu le label des Consultations Citoyennes sur l’Europe
//. Pour aller plus loin
- Les bios des intervenants >> Voir
- Fiche de lecture du rapport « Les manipulations de l’information : un défi pour nos démocratie » >> Lire
- La rédaction d’une Déclaration sur l’information et la démocratie lancée par Reporters sans Frontières >> Lire
- Le Baromètre de confiance dans les médias, Kantar/Sofres pour La Croix >> Lire
- Notre dossier sur les fake news >> Voir