D'un droit de propriété à un droit d’usage

D'un droit de propriété à un droit d’usage

#DigiLex Plateformes, compte-rendu des échanges

Moins de produits, plus de services

Ce qui désormais a de la valeur, c’est moins l'objet que l’idée. Nous sommes en train de passer d'un droit de propriété à un droit d’usage. Les plateformes transforment l'économie en profondeur

Prise de conscience. L’économie des plateformes, jouant un rôle d’intermédiation, crée de nouvelles configurations. Elle est forte de son modèle de développement « ne nécessitant pas de mobilisation importante d’actifs » comme le souligne le fondateur de Treize Articles, François Raymond dans son étude.

Teddy Pellerin est  le co-fondateur de Heetch, une application mobile mettant en relation des particuliers pour se déplacer la nuit. Ce dernier est actuellement suspendu à une décision de justice quant à la poursuite de son activité. Il explique que l’objectif de sa plateforme n’est pas tant un gain d’argent que celui « d’amortir en partie les frais » pour la voiture. En effet, ceux-ci s’élèvent à 6000 euros en moyenne par année pour une personne possédant une voiture. La plateforme rassemble uniquement des non-professionnels. Il évoque ainsi l’évolution de l’économie du partage qui débute en 2002 avec le couchsurfing. Cette économie joue un rôle face à la « crise de confiance » traversée par la société. Un tournant s’opère avec AirBnB qui met en avant le gain d’argent.

Une économie façonnée par « la prescription sociale » élément clé selon François Raymond. Elle est facilitée par une inscription dans une logique bicéphale où règnent gratuité et simplicité. « La valorisation des plateformes est fondée sur le nombre et la qualité des interactions qu’elles organisent et non sur leurs actifs. » précise François Raymond. De là, nait une prescription sociale, ou un lien est tissé. C’est ce qui en fait sa force à l’image de la plateforme SoS Jober présidée par Bruno Haziza mettant en relation des particuliers avec des autoentrepreneurs, artisans et professionnels pouvant ainsi se retrouver. Il souligne « la simplification » apportée par les plateformes.  

Elle a vocation à se diffuser dans tous les domaines de la société avec des services toujours plus nombreux. D’ailleurs, David Lacombled, Président de La villa numeris, souligne ainsi l’interrogation quant « au cœur de métier d’Alibaba » tant le groupe chinois s’est étendu.

Anticipation ou réaction ? Quelle place pour le législateur ?

Les enjeux posés sont nombreux : de l’aménagement du territoire à la mixité commerciale, à  l’emploi. Pour le sénateur Jérôme Bignon, « le législateur devrait davantage être dans l’anticipation. Il doit régler les problèmes de demain. » Il évoque ainsi un changement de paradigme avec un mode opératoire qui diffère. Pour le lui, le législateur «  a une légitimité  à agir et à réguler. La façon d’agir doit être différente. Cela ne dispense pas d’anticiper et d’évaluer. » Il note la complexité et le caractère « fulgurant » de la numérisation de l’économie. « Le système économique va obliger à bouger » considère-t-il. La question de la dénaturation est posée lors de l’utilisation d’outils du territoire à des fins qui ne sont pas celles pour lesquelles ont été créées les structures dans le cadre des textes de loi. De fait, « la portée générale d’un outil juridique peut être dénaturé ».    

Face à ces changements qui sont légion, le législateur ne peut rester sur une même posture. En effet, « avec la dématérialisation de ses activités, la plateforme est très agressive en terme de développement pour acquérir de nouveaux marchés dans la mesure où le coût d’entrée est beaucoup moins élevé qu’une activité classique » note le directeur de Treize Articles.  Teddy Pellerin évoque, quant à lui, « les contraintes et règles différentes entre l’amateur et le professionnel ». Il souligne que « le cadre est nécessaire ».

Elle a nombre de conséquences. La prise de décision s’impose, dès lors, comme nécessaire. Le choix de la réponse diffère. François Raymond dans l’étude qu’il mène prend l’exemple d’AirBnB qui bouscule la politique de logement dans des capitales par rapport à sa valorisation face à une location classique.  Il évoque ainsi Paris, Berlin et New-York qui apportent des réponses différentes quant à la réglementation. Paris propose une auto-réglementation en ligne incitant à une prise de conscience citoyenne et pouvant ainsi mettre la pression sur des voisins par exemple. Outre-Rhin, à Berlin, AirBnB est interdit. Une autorisation à demander en mairie est nécessaire. Cette dernière souhaite prendre appui de la collaboration des citoyens, avec un signalement de tiers, face aux obligations des propriétaires.

Vers un échange de bonnes compétences : un état d’esprit collaboratif

L’ensemble des acteurs se met d’accord sur une nécessaire concertation. Les acteurs de l’économie des plateformes prennent part au débat en décidant de s’engager. Ainsi, François Raymond souligne qu’ «  AirBnb transmet un email de la Mairie de Paris au loueur pour lui rappeler la réglementation en vigueur et l’inviter à se mettre en règles » au-delà du plafond de 120 jours. C’est le seuil pour définir le « meublé touristique ».  

La démarche du test and learn est à prendre du côté des plateformes pour nourrir les démarches du législateur. Le sénateur note la notion « d’expérimentation ». Aussi, Bruno Haziza évoque « l’opportunité que représentent les plateformes ».  En effet, pour le parlementaire Jérôme Bignon, « c’est un champ immense à regarder. Quand il y a une nouvelle, opportunité de développer du commerce, de l’attractivité, il faut s’en saisir. »

 

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