Transferts de données aux US, sans bouclier

Transferts de données aux US, sans bouclier

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David Lacombled: «Le plus grand flou règne»

La circulation des données, en particulier avec les Etats-Unis n’est pas encadrée alors que la protection des données personnelles est un enjeu majeur du développement numérique

«Si les entreprises devaient respecter la loi, elles cesseraient toute activité numérique» selon David Lacombled, président de La villa numeris.

«La villa numeris a publié cet été une note de position sur les transferts transfrontaliers de données» comme le rappelle la journaliste Delphine Sabattier qui anime le rendez-vous quotidien de la Tech sur B Smart. Pour David Lacombled, «les données ne connaissent pas la crise». Pour lui, «le marché semble exponentiel» en rappelant les prévisions de l’Union européenne : «dans les trois ans qui viennent, le volume mondial de données devrait augmenter de plus de 500%. Le marché des données pèse aujourd’hui 300 milliards d’euros. Dans trois ans, ce devrait être 800 milliards d’euros.» 

«Ce marché est dominé par géants américains d’Internet. Les principaux hébergeurs de ces donnés sont Amazon (Web service), Microsoft (Azure) et Google (Cloud). Et ces trois acteurs représentent deux tiers d’un marché qui va être multiplié par trois, en Europe, dans les trois ans qui viennent». «Cela pose une question d’indépendance en ces temps de souveraineté exacerbée. On a bien vu dans d’autres domaines, les vaccins et la santé pendant la crise sanitaire, les énergies  pendant la guerre en Ukraine, l’importance d’être indépendant».

Pour David Lacombled, «le plus grand flou règne» car «il n’existe pas d’encadrement des relations commerciales avec les Etats-Unis» dont on ne peut pas faire sans. En effet, les «accords commerciaux encadrant la relation transatlantique ont été cassés. Safe harbor en 2015 et et du Privacy shield en 2020 sur la plainte d’un activiste autrichien, Max Schrem, qui leur a donné son nom - cela montre que nous sommes dans un état de droit, pour ceux qui en douteraient. Il y a une obligation pour l’Europe de redéfinir rapidement un cadre de confiance pour ses acteurs».

Face à cette incertitude, il excite des «solutions de plusieurs natures : technologiques, politiques et juridiques. Il y a une volonté politique exprimée au printemps par Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, et Joe Biden, le président américain, d’arriver à un nouvel accord pour tenter de mettre en adéquation les droits. Il y a ensuite des solutions de contournement, d’aménagement».

Licences, chiffrement et anonymisation

«Puisqu’on ne peut pas aller héberger ses données aux Etats-Unis, faisons en sorte de les héberger en Europe avec des acteurs américains» en créant « des entreprises avec majoritairement des européens mais aussi ces acteurs américains dont on a besoin des logiciels, de leurs expertises et de leur serveurs». Ces licences se traduisent par «la création de Bleu avec Orange, Cap Gemini et Microsoft de Deutsche Telekom et Google en Allemagne, plus récemment le même Google avec Thalès en France. Au risque d'être accusé de faire entrer le loup dans la bergerie.»

Par ailleurs, «plusieurs techniques fiables peuvent fonctionner indépendamment les unes des autres, ou ensemble. Le chiffrement de "de bout en bout" permettant de crypter les échanges. L’Europe a là une carte à jouer avec la blockchain. (…) Il y ensuite des techniques d’anonymisation profonde des données».

L’ensemble des organisation privés comme publiques, sont concernées. «La commission européenne l’a vécu à ses dépens cet été. Cela est un peu passé sous les radars des vacances. Un des sites de la Commission ne respecte pas les règles qu’elle a édictées. Le site de la Conférence sur l’avenir de l’Europe est hébergé aux Etats-Unis sur des serveurs d’Amazon Web Services».

Il y a urgence à agir pour bénéficier de règles claires et partagées.

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