3 mars 2022 | 100% online | Compte-rendu
Dominique Piotet: «La technologie est l’avenir de l’Ukraine»
Rencontre avec le CEO de Unit.City, écosystème d'innovation basé à Kiev et à Kharkiv, une semaine après le début de la guerre en Ukraine
Les membres de La villa numeris ont pu échanger avec le dirigeant du plus grand campus de start-ups d'Ukraine sur la situation et les moyens d’aide et de soutien possibles depuis l’Europe.
Situation d’urgence
«Dès que les attaques ont commencé, nous avons mis en place une boucle Telegram, avec quelques règles comprenant les informations essentielles et utiles», explique Dominique Piotet, CEO d’UNIT.City. Il s’agit alors de savoir «qui est où, de recenser ceux qui voulaient partir, de s’assurer que ceux qui veulent le faire le puissent dans de bonnes conditions». Parmi les collaborateurs, plusieurs sont partis vers l’Union européenne, quand d’autres ont notamment rejoint les Carpates, enfin, beaucoup sont restés.
«On a décidé de s’organiser pour résister. On se coordonne», explique Dominique Piotet dont les équipes se trouvent à Kiev, la capitale, et à Kharkiv, ville située à 30 kilomètres de la frontière russe. «Le contact est permanent» explique-t-il. L’urgence est de mise. «La vie économique s’est arrêtée», relate-t-il. La vie quotidienne a, à présent, pour toile de fond «l’appartement, la cave et les métros». Immédiatement après les premières attaques, «on a avancé la paie pour retirer du cash» se remémore-t-il.
«On est en guerre. Il faut que l’aide humanitaire s’organise. Donnez à des organisations en Europe et que ce soit acheminé» conseille-t-il. Il évoque ainsi la plateforme EU4EU. Créée le 25 février dernier, la plateforme créée par Juan, Arnaud, Alexis et Alexandre, tous épris de liberté, se veut être une mise en relation entre les réfugiés ukrainiens et les personnes les accueillant en Europe.
Un état d’esprit résistant
«Il va y avoir une résistance civile forte dans les rues et dans la ville» considère le dirigeant d’UNIT.City qui compte 150 collaborateurs. Dominique Piotet se souvient de ses premiers jours dans la capitale ukrainienne. «J’étais fasciné par leur détermination et leur courage dès mon arrivée». Au début du confinement, dû à la crise sanitaire du Covid-19, en mars 2020, en l’espace d’une journée, les processus se sont mis en place afin que la vie continue. «Hélas, ils ont l’habitude de vivre dans une incertitude avec des crises successives», note-t-il.
Dominique Piotet loue «l’extraordinaire courage» des Ukrainiens. «La résilience du peuple m’a beaucoup frappé». C’est, rappelle-t-il, «la qualité première d’un entrepreneur». Aussi, les voici qui «ne considèrent pas un "non" comme une bonne réponse». «C’est étonnant que les Russes n’aient pas vu cela», ajoute-t-il. Aussi, Dominique Piotet relate combien est ancré «ce profond amour de la liberté».
Hacker les intrusions
«Le ministre de la Transformation digitale, Mykhailo Fedorov est vice-premier ministre de l’Ukraine» souligne Dominique Piotet manifestant ainsi l’attention portée par les institutions ukrainiennes à la technologie. Représentant 5% du produit intérieur brut, «l’ambition fixée est que la technologie représente 10% du PIB en 2025» explique Dominique Piotet. Elle est, insiste-t-il «l’avenir de ce pays». Le ministre a d’ailleurs initié la IT Army of Ukraine afin d’hacker les intrusions russes. Disponible sur Telegram Messenger, la chaine compte déjà près de 280.000 inscrits. «C’est très clairement aussi une cyberguerre», constate Dominique Piotet. Le ministre a également effectué une levée de fonds en NFT.
UNIT.City est un espace de travail et écosystème d’innovation qui se veut l’une des réponses au «brain drain», «l’un des maux inhérents à l’Ukraine». Il s’agit de créer un écosystème fédérateur. UNIT.City est la ville de demain à la fois créative et innovante. Construit à 30%, cet espace singulier fera un million de m2. Il compte déjà une école de code et des accélérateurs. Des grands noms de la tech y sont présents de Snapchat à Microsoft en passant par Bolt. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a eu l'occasion de visiter le lieu à plusieurs reprises tout comme des délégations de députés et de ministres français à l’image de Bruno Le Maire.
Un écosystème s’adressant aux entreprises, aux start-ups et aux étudiants qui manifeste combien l’Ukraine se tourne vers demain. Cet écosystème aujourd’hui pleinement mobilisé pour faire lui aussi, acte de résistance.
