#DigitalTwins Crise sanitaire, conséquences urbaines

#DigitalTwins Crise sanitaire, conséquences urbaines

Acte 1

La ville, intelligente par nature

Ouverture de la saison de travail «Les villes et leurs jumeaux numériques» pour analyser les causes des transformations en cours et décrypter les attentes des citoyens.

La deuxième vague du Coronavirus tend à confirmer la bascule et la réinvention de nos repères quant à l’appréhension des villes et à l’accélération des transformations. La technologie est bien partie prenante de celles-ci.

Aussi, La villa numeris débute une nouvelle saison de travail : «Les villes et les jumeaux numériques». Le think tank consacre ses premières réflexions à la crise urbaine et ses conséquences urbaines avec le décryptage de grands témoins sous la direction de Philippe Baudillon.

Pour le dirigeant d’entreprise et auteur de «Réinventer la Street Experience», #DigitalTwins se doit d’«être un outil d’amélioration et de performance globale de la ville mais aussi, avant tout, un moyen de communication et d’échange avec les citoyens».

La crise, un accélérateur 

«L’Histoire montre que les crises les plus graves aident les villes à se transformer et à s’améliorer» considère le journaliste globe-trotteur, Francis Pisani évoquant la peste incitant à mieux gérer les déchets et l’invention du tout-à-l’égout. Pour lui, «les villes ont montré leur capacité à faire face aux crises ». Il ne faut, selon lui, pas tout penser à travers le Coronavirus. «Les villes ont 6/000 ans. S’il a un poids, ce n’est pas ce qui va tout changer». L’efficacité est bien présente. Il évoque l’essai «Scale : the universal laws of life, growth, and death in organisms, cities and companies» de Geoffrey West qui considère les villes comme des «organismes». Plus celle-ci sont imposantes, plus elles sont efficaces. «Une ville deux fois plus peuplée qu’une autre n’a besoin que de 85% d’infrastructures en plus alors qu'on y constate une augmentation de 115% des brevets comme des salaires... et aussi des crimes».  

La crise sanitaire «a mis en évidence les limites de l'exercice, démontrant que nos villes nont pas été pensées depuis une vision systémique et sont aujourd'hui face à une obsolescence certaine» explique l’architecte urbaniste écologue, Carmen Santana du Cabinet Archikubik, remarquant que la ville  est quasiment «un pur produit financier», la Cité, elle, est le lieu de la démocratie écologique et de l écologie sociale co-construite entre toutes et tous.. Des sujets présents de longue date comme «le changement climatique» et «l’assainissement» ont été mis en lumière. Or, ce qui se joue c’est bien de faire resurgir «les Communs autour des usages, l'intelligence collective, le comment on veut habiter, le bien vivre ensemble, comment nous entre-aider et être solidaires», note-t-elle. 

Philippe Baudillon, dirigeant d’entreprise, le confirme : «la crise actuelle est un accélérateur de tendances très fort sur les usages et les modèles économiques». Parce qu’il «accompagne» et «facilite la vie», le digital «joue un rôle essentiel» considère-t-il. Création et disruption sont bien un rendez-vous. 

La grille de lecture de la crise n’est pas celle de la densité considère les grands témoins. Pour Robin Rivaton, investisseur et essayiste : «la crise sanitaire n’est pas une crise de la densité. Elle est une crise de la sur-occupation des logements». Il souligne que «les logements sont plus fortement sur-occupés dans les territoires urbains que dans les zones un plus détendues. La crise a frappée inégalitairement les quartiers plus populaires car il y a plus de sur-occupation des logements». Le fondateur de l’association Real Estech explique que l’«on peut avoir des villes très denses où les habitants ont des surfaces privatives relativement importantes sans contacts entre eux et dans lequel la distanciation physique arrive à être maintenue». 

«L’évolution des mentalités» est relevée par Francis Pisani : «les villes ont, sans doute, touché une limite qui tient plus au non-respect de l’environnement et aux inégalités croissances qu’au Covid-19». L’univers de la politique est convoqué. «Cette crise a montré que la décision politique s’imposait très largement à la technologie en matière de ville et que les choix politiques forts peuvent être pris» relève Robin Rivaton évoquant la mobilité douce. «Ce ne sont pas des choix nouveaux. Des municipalités comme Copenhague et Amsterdam les ont faits dans les années 1960 et 1970. Ce sont des choix très forts en faveur du développement de la pratique du vélo. Aujourd’hui, un certain nombre de villes le redécouvrent». Etant jusqu’alors «une théorie évanescente, la smart city a plutôt pris corps pendant cette crise». En témoignent, notamment, «le développement de la micromobilité parfois en libre partage, du télétravail, de la télémédecine, du traçage et du suivi aussi».

L’exode urbain, vraiment ?

«Au printemps, la crise sanitaire a mis à l’arrêt la planète entière. Ce sont les villes que l’on reconfine en premier. Faut-il croire dans l’exode urbain tel qu’il se dessine dans la presse ?» interroge David Lacombled, président de La villa numeris durant les travaux de réflexion avec les grands témoins. «Les plus riches de New-York et les plus pauvres de Delhi sont sortis ou ont dû sortir de leur ville», rappelle Francis Pisani, notant qu’«en France, on a un mouvement, pour faire du télétravail depuis la campagne ou depuis de plus petites villes depuis le Covid-19. La question de fond est : est-ce que cela va durer ?» Carmen Santana invite à être attentive quand aux profils comptabilisés dans cet exode : «beaucoup d’étudiants dans les grandes villes du monde sont rentrés chez eux».

L’idée de cet exode «s’est répandue très rapidement et a plutôt tendance à disparaitre aujourd’hui ; la preuve qu’elle a eu du mal à se concrétiser» souligne l’investisseur Robin Rivaton, pour qui «les centres urbains les plus denses, les fameuses métropoles, obéissent à plusieurs facteurs : l’accès au marché d’emplois, notamment, pour les plus jeunes d’entre eux, la capacité à pouvoir se créer un réseau pour ensuite se mettre à son compte en tant que free-lance et quitter les zones plus denses et quelque choses de relativement plus difficile qu’il n’y parait». Il rappelle que «la carte scolaire ne s’est pas transformée avec le Covid-19. La scolarité des enfants est un facteur très puissant dans les choix de localisation des ménages». Aussi, cet exode urbain est, note-t-il : «un phénomène relativement minoritaire en termes de flux qui s’est légèrement accéléré mais qui partait d’une base extrêmement limitée. Les migrations de ménages dont la personne de référence est active depuis l'Ile-de-France vers d'autres régions concernent 22.000 ménages. C’est anecdotique par rapport aux forces démographiques en puissance».  

S’approprier les villes

«Le paysage comme infrastructure». Pour Carmen Santana, plus que jamais nous devons rendre la densité aimable, nous devons apprendre à mettre en place une densité  non ressentie, afin de préserver nos espaces naturels et agricoles et mettre en symbiose ces deux écosysthèmes, cette relation ville-campagne. 

L’architecte urbaniste prône des «villes plus sensibles, sensuelles et appropriables.» Elle entend faire de l’espace public une opportunité de cohésion sociale en lien avec les espaces privés, pour mettre en avant la question des Communs. «Il faut un regard systémique qui inclue la refondation de la morphologie urbaine qu’on met en place et asseoir le paysage comme infrastructure pour aller vers des villes nourricières, ou l'espace public ne sera plus dédié à 80% aux voitures, des villes saines ou il fera bon vivre. Parlons d'architecture régénérative, de bâtiments et de quartiers productifs , parlons de mètres carrés intelligents, hybrides et multi fonctionnels».

Elle met en avant l’enjeu de la production en ville et de l’agriculture urbaine en « tissus urbains denses consolidés», dans les cœurs d´îlots et sur les toitures. Archikubik est la Maîtrise d´Oeuvre en charge de l’Agrocité Gagarine-Truillot à Ivry-sur-Seine où, notamment, 2,5 hectares de maraichage professionnalisé sont mis en place. «L’économie circulaire et solidaire et l’anticipation» sont parties prenantes de ce projet de renouvellement urbain. Pour elle, il s’agit de faire émerger les projets urbains depuis les habitants déjà sur place et «faire confiance à l’intelligence collective partagée et transversale afin de pouvoir prendre un autre cap et ouvrir des nouvelles portes des possibles».

Il est nécessaire d’ «associer les parties prenantes» considère Philippe Baudillon avec une collaboration public-privé. Pour lui, «le privé peut apporter un savoir faire et une impulsion. Il est nécessaire d’associer tout le monde». Francis Pisani relève la tension entre «datapolis» et « participapolis ». Or, selon lui, « on a besoin de l’intelligence des données et de celle des citoyens ». Le journaliste globe-trotteur rappelle l’importance de la définition. «Il faut repenser ce que nous entendons par "ville". C’est 200 personnes au Danemark, 5.000 au Kenya, 200.000 au Japon». Des réalités multiples. Le journaliste prône dès lors les notions d’ «archipel urbain» et de «région urbaine». Il s’agit d’«arrêter de penser en silos».

Le bâti est à repenser puisque, le rappelle Carmen Santana, «la ville va de pair avec là comment on habite et où on travaille». Robin Rivaton met en exergue l’enjeu de «la construction de logement neuf ou de réhabilitation de logements ancien dégradés dans le centre-ville». La production de logement est, en effet, «une condition sine qua none pour s’assurer que les gens ne se retrouvent plus, aujourd’hui, dans des choix de localisations contraints de se mettre en périphérie des grandes villes». 

Effectivement, «il faut repenser l’espace urbanisé», affirme Francis Pisani, louant l’importance du «design de chaque quartier» prenant en compte les éléments climatiques et sociaux. Il explique ainsi : «la taille et l’orientation des immeubles quand elles sont conçues pour une meilleure circulation de l’air donnent un environnement plus sain». Attentif aux jumeaux numériques, Francis Pisani rappelle qu’il s’agit de «les utiliser intelligemment en prenant en compte les points de vue croisés de la technologie, de l’économie, de l’environnement et des inégalités à mesure que nos sensibilités évoluent».

//. Pour aller plus loin :

:: «Smart about cities - Tisser des liens pour les villes de demain», Francis Pisani (UNESCO-Netexplo, 2020) / Gratuit >> Télécharger

:: «Hacia una ciudad sana», article de Carmen Santana, Objetivo Bienestar >> Lire

:: «L’Immobilier de Demain» (2e édition), Robin Rivaton (Dunod, 2020) / Fiche de lecture réservée à nos membres >> Lire

:: «Réinventer la "street experience", Hyperstories, espace public et mobilier urbain connecté»Philippe Baudillon (Hermann, 2018) / Fiche de lecture réservée à nos membres >> Lire

:: «The surprising math of cities and corporations», Conférence Ted de Geoffrey West  >> Voir

auteur de «Réinventer la «street experience»

//. Nos grands témoins :

20-LVN-img-150-14.png 20-LVN-img-150-14.png

Francis Pisani

Journaliste globe-trotter

Robin Rivaton

Investisseur et essayiste

Carmen Santana

Architecte, urbaniste et écologue

Philippe Baudillon

Dirigeant d'entreprises

//. Calendrier de notre saison de travail :

Réponses récentes