Durabilité

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#GlobalTrends | Rencontre du 04/06/25 | Compte-rendu

Régénérer le futur

Un tour de l’innovation durable avec notre partenaire 2050Now La Maison

100 projets captés sur tous les continents et dans tous les secteurs. Des solutions et des imaginaires pour une inspiration garantie. 

Des imaginaires

Avec son ouvrage «Regenerate the future», écrit entre janvier et mars 2025, Sylvain Louradour, Chief Creative Officer de 2050Now, a souhaité «capter les innovations de tous les secteurs sur tous les continents». Il s’inscrit dans la dynamique de «2050Now La Maison», initiative portée par Les Echos – présentant une réflexion pour une action en faveur de «l’innovation mondiale responsable» en rassemblant «les mondes scientifiques et économiques pour bâtir les modèles de demain». L’ouvrage s’appuie sur 90 entretiens avec des personnalités internationales et de disciplines multiples et met en exergue 100 innovations. Se détachent ainsi 3 tendances : «rethinking» invitant à «repenser l’IA, repenser avec l’IA», «rewilding» qui incite à «innover avec et pour la nature» et «remodeling» pour «régénérer nos imaginaires». Rien n’est effectivement figé. Il cite ainsi les mots d’Hegel : «ce qui est connu, justement parce qu’il est connu, n’est pas connu». Les possibles sont bien là à l’image du memory gel, innovation anglaise consistant en un gel capable de jouer à Pong, le jeu vidéo.

Sylvain Louradour a passé «au crible toutes sortes d’IA» de l’IA générale à l’éthique en passant par la frugale ou encore la générative. Si l’on connaît les LLM «basés sur le langage humain», il a relevé l’initiative américaine NatureLM qui s’appuie sur «le langage non humain». C’est un outil – porté par une ONG – «nourri de sons d’animaux ou de la nature». Le mot «regenerate» est finement choisi. Sylvain Louradour brosse le parallèle avec la méduse Turritopsis dohrnii qui se régénère en permanence.

Du temps du «taylorisme flamboyant», «chaque personne avait une tâche», relate Fabrice Cavarretta, professeur à l’ESSEC, soulignant «l’accélération technologique qui s’opère». Il note ainsi qu’une action se réalisait dans les années 1980 «en six mois», dans les années 1990, «en quelques nuits». Bientôt, avec les outils, en demandant à un agent, on sera capable de «faire des systèmes applicatifs en quelques heures». Pour Jean-Luc Brossard, coprésident de la commission Numérique et Innovation du MEDEF, VP Innovation de Stellantis, «il faut localiser les inventions du futur». L’IA est, explique-t-il, «un outil qui permet d’aller plus vite et d’une façon plus fiable».

D’ailleurs, Claire Lecoq, du groupe LVMH, souligne «le focus» mis sur l’utilisation de l’IA au sein du pôle de transformation. Elle évoque ainsi «le bureau de l’efficacité dans l’équipe digitale» qui relève «l’efficacité et la plus-value des technologies». Les réactions quant aux technologies sont nombreuses. «On se rend compte qu’on a les codes du passé avec déjà les pieds dans le futur», note Claire Lecoq. Aussi, Jean-Luc Brossard cite Rodolphe Saadé, à la tête de CMA CGM, qui entend avoir un «retour sur investissement» par rapport à l’IA. Outre l’approche financière, l’IA offre également «un confort», «des inventions qui nous permettent de changer le monde», «trouver la disruption».

«De la responsabilité»

«L’industrie de la technologie est encore trop dans le déni sur les questions sociétales et environnementales», déplore David Lacombled, président de La villa numeris, qui rappelle que «les sujets environnementaux et numériques sont chacun une face d’une même pièce». Aussi, Sylvain Louradour cite les travaux de chercheurs autrichiens consistant en une mini IA qui nécessite «19 neurones seulement pouvant faire conduire une voiture autonome», voilà un exemple de modèle plus frugal.

«La plupart des ingénieurs qui travaillent sur l’IA ne sont pas formés pour réfléchir à ces questions éthiques», explique Rameh Srinivasan dans une interview exclusive réalisée en 2025 pour «Regenerate the future». Aussi, «l’éthique by design» est mise en exergue par Sylvain Louradour, qui incite à «avoir une couche d’éthique by design». Finalspark Swiss est une innovation qui emploie des organoïdes – «des mini-cerveaux reliés les uns aux autres produisant une sorte d’ordinateur biologique». Aussi, se posent «des questions éthiques par rapport à l’utilisation de neurones humains».

Alors que «16 % des Américains et 9 % des Français pensent que la Terre est plate», Sylvain Louradour évoque «Debunk Chatbot», un chatbot en ligne qui «passe son temps à débunker ces opinions». Il s’agit là de «répéter les arguments pour faire changer d’avis les personnes adeptes du platisme». Le résultat est bien là puisque «le taux de conversion est de l’ordre de 40 %».

Sylvain Louradour tient à rappeler «la dimension physique et tangible» de la technologie, citant les propos de la chercheuse à la NYU, Kate Crawford : «la composante physique de l’IA est énorme». Cela prend la forme du «cuivre pour les câbles et les conducteurs des data centers», mais aussi du «lithium, du nickel, du cobalt pour les batteries, des terres rares pour les serveurs».

Autre question soulevée par les grands témoins de la matinée : la réglementation. Sylvain Louradour reprend une citation de Stuart Russel, professeur de computer science à Berkeley dans «California Magazine» en 2024 : «nous réglementons bien plus les sandwichs que l’IA». La réglementation est clé «pour l’aspect environnemental» ou encore «la santé mentale», relate Sylvain Louradour. Évoquant les enjeux cyber et éthiques, Jean-Luc Brossard le rappelle : «il va falloir qu’on régule». Rappelant l’obsolescence qui guette les systèmes, il souligne «l’importance d’avoir des briques». Les systèmes propriétaires «protègent» mais «figent» aussi, prévient-il. Aussi, il convient de «réfléchir à avoir des briques en open source» et «un service de certification à mettre en place».

«Avec l’IA»

«Les émotions et l’enveloppe corporelle», voilà notamment «ce qui nous rend humains», souligne Claire Lecoq, qui invite à «se poser les vraies questions de ce qui nous unit et différencie». L’humain est bien au cœur des innovations, en témoigne DHTA pour Digital Human Talent Agency. L’agence italienne dédiée aux RH propose de digitaliser des talents avec «des clones professionnels délégués pour effectuer des tâches à partir de personnalités et de talents», explique Sylvain Louradour, notant que cela «pose une problématique du point de vue RH». Il évoque les travaux de Laura Michel exerçant à la fondation Vivala quant à l’usage de ChatGPT qui, dans la partie émergée de l’iceberg, relève que l’agent peut «booster l’efficacité», être «un outil de soutien», «valider une idée». Mais, dans la partie immergée, se détachent aussi «une fragilité cognitive», une baisse de «la mémoire, de la concentration», «un affaiblissement progressif de la pensée critique», «une diminution de la créativité» ou encore «une réduction de l’autonomie émotionnelle». Sylvain Louradour cite une étude réalisée par Radboud Universiteit qui rappelle que «l’effort est associé à la douleur». Aussi, l’adaptation est clé. Pour Ian Beacraft, CEO de Signal, que l’on retrouve dans le livre, «small data is the new big». Sylvain Louradour conseille là de «s’intéresser à ce qui reste en nous de propriétaire».

La complémentarité est au rendez-vous. Claire Lecoq évoque le ChatGPT interne à LVMH, appelé MaIA, «un outil serviciel pour que les collaborateurs puissent faire leurs requêtes en toute confidentialité». À la demande de la DRH, des initiatives sont prises pour «créer une IA coaching». Claire Lecoq témoigne : «j’ai fait des jeux de rôle avec des avatars». Elle loue ces outils qui «donnent des conseils» et sont capables de «gérer des subtilités culturelles». Pour Claire Lecoq, «il vaut mieux être préparé et savoir comment on se positionne». L’enjeu est là : «monter en compétences, s’assurer d’avoir les meilleures équipes».

Jean-Luc Brossard le rappelle : «l’IA ne se base que sur les données connues. Elle n’apporte pas en elle-même la disruption». Aussi, «le rapport avec l’humain» est toujours nécessaire. Pour lui, il faut «apprendre à l’utiliser. C’est important qu’on forme les dirigeants». Il évoque ainsi le Tour de France de l’IA réalisé avec le MEDEF. Pour lui, nous avons besoin d’«anticiper les points de rupture». «Si ces ruptures semblent rapides, les innovations s’inscrivent dans le temps long en termes d’adoption. Par exemple, alors que le véhicule autonome a été plusieurs fois annoncé comme imminent, en réalité l’IA ne fonctionne pas encore pour un véhicule totalement autonome dans des situations complexes comme des carrefours. Le système de navigation doit s’adapter pour contourner ces points».

D’ailleurs, Fabrice Cavarretta interroge la perception de l’IA : «un humain ou non ?» Pour le professeur de l’ESSEC, «tout indique que le niveau de complexité n’est pas totalement identique à celui des humains». Il convient d’«accepter qu’il s’agisse d’une entité à niveau de complexité élevé». Fort de ses travaux de recherche et de ses articles – disponibles notamment en ligne –, Fabrice Cavarretta a «téléchargé son savoir» dans le but de «construire un e-professeur». Une expérimentation qui manifeste combien l’IA est prometteuse. Pour lui, l’interaction avec la machine est à appréhender de la même manière que l’aviation. Au départ, «on vole tout seul sans ordinateur», puis vient le temps du cockpit dans un Airbus à gérer. On teste enfin les deux compétences. Pour lui, il importe de se poser ces questions : «comment je forme, j’évalue et motive les humains ? Comment prendre l’initiative ?» Une vigilance à avoir à chaque instant. Les innovations mises en lumière dans la matinée ont montré combien l’initiative est au rendez-vous.

:: Pour aller plus loin

  • Regenerate the future. Le livre des grandes tendances 2025 de l’innovation durable >> Télécharger

:: Nos grands témoins

Jean-Luc Brossard

Coprésident de la commission Numérique et Innovation du MEDEF, VP Innovation de Stellantis, président du Comité des Constructeurs Français d'Automobiles

Fabrice Cavarretta

Professeur à l’ESSEC, spécialisé dans les paradigmes managériaux à l'intersection de la complexité et de l'intelligence artificielle. Il est diplômé de l'École Polytechnique, Stanford, Harvard et de l'INSEAD.

Sylvain Louradour

VP Chief Creative Officer de 2050NOW La Maison, Sylvain Louradour pilote les Global trends depuis 2021. A ce titre il écrit chaque année un livre présentant des tendances exclusives réalisées à partir d'une captation sur tous les continents et dans tous les secteurs.

Claire Lecoq

Transformation & Open Innovation du Groupe LVMH

:: en partenariat avec 2050Now La Maison

2050NOW La Maison projette les entreprises en 2050 pour imaginer de nouveaux modèles économiques et former les leaders à transformer leur organisation.

:: notre partenaire hôte

Au rendez-vous des talents et des idées, nos rencontres #DigitalTrends et Digital Mappemonde dans les espaces chaleureux et inspirants de Onepoint live.