IA génératives

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Création et IA: quels droits pour les auteurs?

Alors que les solutions d’intelligence artificielle génératives s’entraînent sur l’ensemble des contenus issus du Web, journalistes, auteurs et éditeurs réclament une juste rémunération

Dans le rendez-vous mensuel de La villa numeris sur B Smart, David Lacombled propose des pistes de traçabilité des contenus et des oeuvres.

Delphine Sabattier, journaliste: Aujourd'hui, on va aborder cette question délicate de la rémunération des journalistes, des auteurs, des éditeurs, des producteurs dont les œuvres, et puis tous les contenus finalement, alimentent ces solutions d'intelligence artificielle générative. Alors on les entend aujourd'hui, mais on va peut-être déjà revenir sur cette question du droit d'auteur à l'ère du numérique, parce que c'est quand même pas un sujet tout nouveau. On l'a découvert déjà avec le web.

David Lacombled, président de La villa numeris: Oui, vous remontez un peu à la préhistoire, là. Alors, c'est vrai que c'était peut-être un peu plus simple avant que les intelligences artificielles génératives n'émergent. Souvenez-vous les grands portails du début des années 2000 Yahoo! Aol. C'était assez simple, ils fabriquaient leurs contenus ou il les a achetés, Il y avait un contrat, il payait tout le monde, il était content. Ensuite sont venus les moteurs de recherche avec des questions déjà un peu plus épineuses. Est-ce Qu'il faut payer pour indexer ou Est-Ce Que l'indexation Dans les moteurs de recherche Valait rétribution Pour envoyer de l'audience et on a vu que ce sont des discussions qui ont pris plusieurs années. Il y a eu un accord en début d'année, même entre Google et les éditeurs français. Ce qui n'a pas empêché d'ailleurs Google d'écoper d'une amende de 250 millions de l'Autorité de la concurrence qui estimait qu'elle ne remplissait pas assez ses devoirs l'année dernière. Et ça, c'est compliqué, forcément, avec l'immixtion des systèmes d'intelligence artificielle, puisque le patrimoine de l'humanité était disponible, il suffisait de se servir pour faire de deux données une troisième. Vous mettez tout ça dans un mixeur et c'est bien compliqué pour des ayants droit, des auteurs, des journalistes, d'aller pointer ce qui leur revient et de revendiquer finalement un droit d'auteur là dessus. Parce que ces données ne servent pas tel quel. Elles servent à des données d'entraînement dans de vastes langages, de vastes modèles de langage, que ce soit le Chat chez Mistral, ChatGPT chez OpenAI, vous les connaissez tous.

Delphine Sabattier: Alors donc, on parle vraiment d'un nouveau bouleversement finalement pour cet écosystème culturel.

David Lacombled: Oui, et d'ailleurs je vous renverrai vers deux excellents rapports qui n'en font qu'un du CSPLA. Il s’agit du Conseils supérieur de la protection littéraire et artistique. Deux rapports, un juridique et un économique qui montrent que si les contenus sont protégés, ils sont exploités sans autorisation des grands opérateurs et qu'ils génèrent une concurrence directe. Je m'explique. D'un point de vue juridique, il est bien compliqué pour des artistes ou des journalistes d'aller revendiquer un droit et de demander finalement ce qui leur revient parce que c'est difficile d'aller mettre un droit sur des pixels. En tout cas plus difficile qu'un droit moral ou sur des œuvres. Et d'un point de vue économique, les IA génèrent des quasi-œuvres, pour reprendre le mot de Valérie-Laure Bénabou qui est citée dans un de ces rapports et qui finalement font que le modèle s'effondre. On peut générer un tableau selon le style de Picasso ou de Claude Monet ou d'ailleurs, mixer les deux. Et bien malin celui qui peut venir en demander une rétribution et au risque de faire s'effondrer le modèle lui-même puisque la qualité va baisser. On parle là de dégénérescence technologique et je ne parle pas des conséquences sur les individus puisqu'elle se traduirait par une perte d'emploi.

Delphine Sabattier: Cette dégénérescence de la qualité, on en parle d'ailleurs dans l'interview avec Luc Julia qui est juste avant votre rendez-vous. Mais comment on fait justement pour maintenir un niveau de qualité et puis une rémunération des auteurs et des artistes?

David Lacombled: Alors il y a trois solutions on ne fait rien, on bloque les accès pour se protéger. Je vais dire qu'il est un peu trop tard puisque la culture est en libre-service et qu'on a plus que ses yeux pour pleurer et avec un fait que si un pan de la culture vient à disparaître, son sa place sera pris par d'autres. Donc s'il n'y a plus de culture européenne, c'est une culture américaine Ou autre qui prendra le dessus. Soit vous avez des discussions de gré à gré entre opérateurs et médias, comme ça s'est fait entre le Monde et Perplexity, mais il n'y aura que de la place que pour les premiers et les plus gros, parce que mieux vaut avoir une robustesse technique et un service juridique pour négocier ou soit vous montrer un peu innovant, imaginatif, pour explorer de nouvelles pistes.

Delphine Sabattier: Nouvelles pistes, avec peut-être des modèles ouverts.

David Lacombled: Oui, qui vont permettre de marquer l'origine pour marquer l'origine, j'allais dire quasiment au carbone quatorze. Il vous faut des registres pour mettre dedans si vous avez ou non les droits d'exploitation. Quelle est sa valeur et donc le prix? Et je vous en renverrai vers des expérimentations, notamment je pense à celle de l'AFP avec Nikon et Imatag qui montre que la France peut être en avance sur de telles technologies.

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