En route vers le Sommet pour l’Action sur l’IA

En route vers le Sommet pour l’Action sur l’IA

#Trends Compte-rendu de la rencontre du 5 février 2025

Profs augmentés, l'IA au service de l'éducation

L’efficacité des solutions technologiques dans l’apprentissage et dans la transmission

A la veille du Sommet pour l’Action sur l’intelligence artificielle (IA), la Fondation IA pour l’Ecole, EdTech France et La villa numeris proposaient un événement avec pour ambition de partager des expériences et des bonnes pratiques déjà à l'œuvre et de mesure de l'efficacité des solutions d’intelligence artificielle.

Les grands témoins de cette matinée très dense ont mis en lumière l’efficacité des solutions technologiques dans l’apprentissage et dans la transmission qui sont loin d’être un seul mot-valise.

Des IA déjà bien présentes

«A la question, l’IA rentrera-t-elle dans l’éducation demain? Ce n’est pas demain, mais aujourd’hui. L’IA est déjà rentrée dans les salles de classe. Les professeurs prennent des mesures pour se former à l’IA générative. D’ailleurs, le sujet n’est pas de savoir quand mais comment on accélère», explique Guillaume Leboucher, fondateur de la Fondation IA pour l’Ecole pour qui «il y a eu un avant et un après ChatGPT. Avant, il y a eu beaucoup de promesses et peu de déploiements. Aujourd’hui, l’IA générative a beaucoup changé le rapport élève/professeur». Evoquant le livre d’Emmanuel Davidenkoff «Le tsunami numérique», il parle de «tsunami génératif». Pour Guillaume Leboucher, les élèves sont parties prenantes: «ils vont former leurs parents». L’impact de l’IA est bien concret à l’image du Nigeria, où «les décrocheurs scolaires apprennent à prompter. Aujourd’hui, ils se remettent dans le système scolaire», se réjouit-il.

La correction des copies? «On a déjà les outils. Ils existent et sont développés par les edtechs», explique Mireille Brangé, coordinatrice de la stratégie numérique pour l’enseignement au Secrétariat général pour l’investissement. «Ces outils aident à cibler des compétences choisies par les enseignants». L’élève bénéficie d’un retour: «avec ce feedback, l’élève peut reprendre son évaluation, en refaire une autre». Parmi les forces de l’edtech, elle relève «l’appui sur une équipe de recherche avec des solutions qui bénéficient d’une assise scientifique. Il y a de véritables possibilités d’usages en classe».

«Nous sommes convaincus que les technologies et notamment les IA sont des puissances inédites pour répondre aux défis de l’école», explique Orianne Ledroit, directrice générale d’EdTech France, fédération des entreprises françaises utilisant les technologies au service de l’éducation et de la formation. Elle évoque ainsi «les recherches scientifiques étayant les travaux des edtechs qui donnent à voir les mécanismes du cerveau et de l’apprentissage». Orianne Ledroit relève que «les logiciels éducatifs sont utilisés par des enseignants dans plein de situations: l’élémentaire, le secondaire et l’enseignement supérieur». L’utilité est bien là tant pour «l’apprentissage», «la confiance» ou encore «la motivation».

«Engage me or enrage me», Guerric Chalnot, fondateur de OuiNovEducation cite Mark Prensky notant que «si on n’engage pas la jeune génération, on l’enrage». Il rappelle d’ailleurs, fort de son expérience d’enseignant en histoire-géographie et ayant eu un poste de direction dans un établissement, que le cœur du métier ce sont «les élèves, les enfants». Guerric Chalnot brosse l’état des lieux de la filière edtech qui connaît une croissance avec 540 start-ups employant 15 000 personnes, un CA record en 2023 avec 1, 6 milliards d’euros, une croissance annuelle moyenne de 11% depuis 2021 et 78% des edtechs développent leur technologie en interne, d’après la Banque des Territoires et EY parthénon avec le soutien d’EdTech France. Avec ces chiffres, il souligne qu’«on a la capacité de répondre aux besoins du terrain». Guerric Chalnot prend appui sur «les facteurs de croissance» comme «la transformation numérique accélérée», «les demandes croissantes pour répondre aux besoins pédagogiques pluriels», «le perfectionnement des solutions», «l’essor des LLM», «la démocratisation d’outils».

Le cofondateur de la solution «Become digital citizen» proposant aux élèves un outil pour les accompagner dans la prise en main numérique, se réjouit de l’évolution des éléments de langage des ministères, en témoigne le site «devenirenseignant.gouv.fr», où l’on lit que «l’outil numérique est désormais indispensable». Guerric Chalnot promeut la notion d’«opportunitech» avec «les learning analytics, l’adaptative learning, le progress report, l’IA Generative et le good learning». Ce dernier concept manifeste «la mise en appétence pédagogique». Aussi, Nejma Belkhdim, a cofondé et dirige Nolej, «plateforme reposant sur l’IA générative qui transforme des ressources éducatives en activités éducatives». Il s’agit, explique-t-elle d’«amener la conception pédagogique dans les mains de l’enseignant». Cette solution «très facile de prise en main» est par exemple utilisée depuis 2023 par l’Académie de Nancy-Metz. «L’un des enseignants de cette Académie utilise les mots croisés et les mots mêlés pour enseigner la grammaire». Les clients de Nolej sont variés: Académies, enseignants, business schools ou encore centres de formation. Nejma Belkhdim loue les 2 années de R&D «avant de basculer sur Open AI» qui ont permis «d’évaluer la méthodologie de performance de l’IA et d’embarquer les enseignants».

Henri Villeroy, proviseur adjoint du lycée Hôtelier Guillaume Tirel revient sur l’arrivée de l’IA dans l’école «par les élèves». Cette arrivée a «pris la communauté pédagogique au dépourvu» et a permis de «poser de très bonnes questions: quelle valeur ajoutée? quelle articulation maison/salle de classe?» Il souligne «la diversité de pratiques et d’adoptions». Pour Henri Villeroy, «on est aux prémisses avec des progrès rapides». Il attire l’attention sur «un des freins à l’adoption de l’IA: les familles» tout comme les fractures sur le plan social. Guerric Chalnot relève également «les inégalités et les fractures numériques» parmi les défis. D’ailleurs, Ali Saïb, conseiller maître à la Cour des comptes en disponibilité et ancien recteur, évoque, lui aussi, la priorité de la «la lutte contre les inégalités sociales et territoriales» dans un système éducatif qui compte «aujourd’hui 12 millions élèves et 1 million de personnels» et qui peine à réduire ces inégalités. Mais ce constat n’est pas de la seule responsabilité de l’Education nationale, car c’est aussi une responsabilité partagée, il s’agit d’une communauté d’adultes qui accompagne une communauté d’enfants. Guerric Chalnot met en exergue «l’éducation et la citoyenneté numérique».

Aussi, Henri Villeroy évoque «des groupes de réflexion et de prospectives» et note que «des champs disciplinaires vont évoluer». Pour Henri Villeroy, «l’école va se recentrer sur sa mission éducation». Il relève «beaucoup de bonnes volontés» et se réjouit de «cette période intéressante».

Avec les enseignants

«L’Education nationale est une organisation extrêmement complexe et verticale mais aussi une organisation qui sait s’adapter», estime Ali Saïb. «Les enseignants n’ont pas disparu! Ils sont toujours là et se sont adaptés», relève Guerric Chalnot.

Orianne Ledroit déplore «la confusion autour des écrans. Cela n’a rien à voir avec des logiciels conçus pour accompagner les enseignants et les élèves dans leur apprentissage». Effectivement, Guillaume Leboucher relève «dans les salles de classe, beaucoup de nouvelles manières de produire un cours. La vraie question est de créer plus d’usages, de relation entre élèves et professeurs». Il interroge: «qu’est-ce qu’on apprend aujourd’hui dans la salle de classe? A l’extérieur de la salle de classe?». Il s’agit pour Guillaume Leboucher de «s’augmenter les uns les autres. Avec l’IA, la place de l’enseignant sera importante». Guerric Chalnot relève 4 piliers de l’edtech: «immersion et engagement», «personnalisation des apprentissages», «accessibilité et inclusion», «automatisation des tâches pédagogiques» qui consiste à «délester les enseignants de tâches chronophages pour se remobiliser sur des tâches à haute valeur ajoutée».

«Prof augmenté? C’est une expression qu’on peut revendiquer», estime Mireille Brangé, tout en relevant qu’«on ne peut pas négliger la crainte pour certains professeurs que le numérique ne vienne le remplacer ». D’ailleurs, elle loue Nolej qui invite à travailler avec l’IA «du point de vue du professeur». Elle partage son point de vue d’ancienne enseignante et insiste sur l’usage: «cela va vite s’écrouler, s’il n’y a pas d’usage». Elle se réjouit des perspectives offertes par l’IA: «Nous allons faire prochainement un effort plus important dans un programme portant sur la facilitation du geste enseignant». Mireille Brangé fait allusion à la crise «du recrutement» et de «la fidélisation» des enseignants et évoque «la question salariale, le climat, le bâti salariale» mais aussi «la mise à disposition des outils pouvant leur faciliter la tâche. C’est en cela qu’on peut parler de prof augmenté!»

Les enjeux à porter pour le Sommet

«Les edtechs ont leur place dans le Sommet pour l’action sur l’IA. Des consensus scientifiques sur l’utilité des technologies dans l’apprentissage et des usages par les enseignants et les élèves existent de plus en plus» souligne Orianne Ledroit qui explique sa démarche: «donner à voir l’edtech» qui est «à la pointe de ce qui existe dans l’IA». Si les innovations sont bien «pédagogiques», elles le sont aussi «dans la technologie».

Nejma Belkhdim insiste sur «la diversité des outils». Pour elle, «en France, on doit penser nos outils de façon agnostique pour protéger les données et rassurer les enseignants». En effet, Orianne Ledroit souhaite que «les enseignants aient la capacité de choisir leurs ressources pédagogiques et de financer l’achat de celles qu’ils choisissent». Elle revendique «un cartable numérique» auquel serait «adossée une enveloppe financière» qui permettrait d’acheter des licences «individuelle ou collective» dans un contexte de «maturité des solutions et des usages des enseignants». Il importe, d’après Nejma Belkhdim, de «donner des outils où les enseignants se sentent acteurs. On se doit de travailler nos outils en co-construction pour adresser les préoccupations des enseignants». Mireille Brangé invite à «investir et à continuer à investir dans l’école».

«Structurer un véritable programme de formation pour les enseignants», voilà un défi que souligne Henri Villeroy qui propose d’«instituer un après-midi par semaine de formation sur tous les outils». Mireille Brangé prône «la formation des élèves à ce que sont les IA le plus tôt possible et la formation de la communauté éducative dont les parents». Effectivement, pour Ali Saib, le système éducatif est «une responsabilité partagée notamment avec la famille et les collectivités au service des jeunes et des territoires». Il s’agit bien, précise Mireille Brangé, de «compétences et métiers d’avenir». Pour Ali Saïb, «l’Etat prend conscience qu’il ne peut pas tout, tout seul». Aussi, il invite à «nouer des partenariats public/privé» avec des acteurs partageant les mêmes exigences et les mêmes valeurs au service des jeunes et des territoires. Guillaume Leboucher conseille de «garder notre dynamique. ChatGPT n’a que 2 ans et 3 mois, on n’a pas fini d’en parler!». Lequel rappelle le mot d’Ernest Renan: «L'essentiel dans l'éducation, ce n'est pas la doctrine enseignée, c'est l'éveil.» Il est bel et bien là.

:: Nos grands témoins

  • Orianne Ledroit, directrice générale de EdTech France
  • Guillaume Leboucher, fondateur de la Fondation IA pour l’Ecole
  • Guerric Chalnot, fondateur de OuiNovEducation
  • Mireille Brangé, coordinatrice de la stratégie numérique pour l’enseignement au Secrétariat général pour l’investissement
  • Nejma Belkhdim, cofondatrice de Nolej
  • Henri Villeroy, proviseur adjoint du lycée Hôtelier Guillaume Tirel
  • Ali Saib, conseiller maître, Cour des comptes, ancien recteur

:: Pour aller plus loin

  • «La France doit être plus audacieuse, il faut accélérer». Tribune de Philippe Coléon, président d'Acadomia, et de Guillaume Leboucher, président de la Fondation l'IA pour l'école, dans l’Opinion. (Abo) >> Lire
  • EdTech France Le Podcast. Les entrepreneurs français qui ont décidé de rendre la technologie utile à l’éducation et à la formation. >> Ecouter
  • «IA à l’école : la mère des batailles». La chronique de David Lacombled dans l’Opinion. >> Lire 

:: En route vers le Sommet pour l’Action sur l’IA

Cet événement a reçu la labellisation «En route vers le Sommet pour l’Action sur l’IA» qui se déroule à Paris les 11 et 12 février 2025

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