Bilan 2024

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IA: la course aux investissements

L’année qui s’achève a battu les records de levées de fonds 

En matière d’intelligence artificielle (IA), pour David Lacombled, président de La villa numeris, «La guerre n'est pas perdue parce qu'elle ne fait que commencer».

Delphine Sabattier: En 2024, aux États Unis, 44 startups ont levé chacune plus de 100 millions de dollars et le projet d'Elon Musk vient de lever 6 milliards. Au printemps, OpenAI a également levé une somme de 6 milliards pour atteindre une valorisation de 150 milliards. Ça fait beaucoup de milliards tout ça. Donc, c'est la course aux investissements?

David Lacombled: Effectivement, faire des IA, ça coûte cher. Les solutions sont gourmandes en cash. Voyez plutôt. Pour faire une bonne solution, il vous faut du matériel, des infrastructures pour développer et entraîner des modèles et quelques cerveaux rares. Tout le monde se les arrache, pour la recherche et le développement. Vous voulez la liste des courses? Il va vous falloir des data centers pour héberger et offrir une continuité de services. Alors vous allez me dire, c'est aussi vieux que le web, certes, mais là, les infrastructures sont conséquentes. Ensuite, il vous faut des cartes graphiques pour assumer la puissance de calcul. Et là il y a un petit hic, c'est qu'il n'y a qu'un seul acteur qui est très dominant Nvidia, et donc qui fait monter les prix. Ensuite, une fois que vous avez ça, vous êtes un peu comme une poule devant une cuillère, parce que sans data, il n'y a pas d'IA. Faut-il encore aller les chercher, les extraire, les raffiner, les nettoyer, les organiser, les gérer. Et vous voyez, au fur et à mesure que l'addition augmente. Et enfin, vous allez pouvoir commencer à former vos modèles. Ça va demander plusieurs mois. Et en attendant, il faudra bien maintenir les infrastructures, les mettre à jour, les stabiliser. Et avec autant de personnes pour cela. Et à chaque fois que vous sortez une nouvelle version, c'est comme si vous repartiez à l'origine et que vous créiez une nouvelle société. D'où cette addition salée.

Delphine Sabattier: Bon, pour autant, OpenAI, par exemple, table sur un chiffre d'affaires de 3,7 milliards cette année. Milliards d'euros ou de dollars, d'ailleurs.

David Lacombled: 3,7 milliards d'euros de gains, 5 milliards de dettes. Et donc on voit bien que OpenAI, qui a été le premier, il y a deux ans de cela, à sortir, à dégainer une IA génératives n'a pas raflé pour autant le marché. La concurrence s'organise. Les désormais anciens, Google avec Gemini ou Meta avec Llama, s'organisent et ne s'en laissent pas compter. Et il y a beaucoup de solutions spécialisées. Vous parliez de 44 Start-ups et autant de solutions tout à fait intéressantes. Et effectivement, nous sommes des consommateurs zappeurs, alors on passe de l'une à l'autre et en plus on est très habitué à l'illusion de la gratuité, donc on se garde peut être d'aller payer trop vite ces solutions.

Delphine Sabattier: Absolument. Alors si on regarde en Europe et en France les investissements, on n'est pas du tout, du tout, du tout dans les mêmes échelles. Et ce qu'il vous semble que la course est perdue.

David Lacombled: La guerre n'est pas perdue parce qu'elle ne fait que commencer. Alors il va falloir choisir ses batailles. Mistral AI a fait la plus grosse levée en intelligence artificielle au printemps. C'était sa troisième levée à près de 500 millions de dollars, pour d'ailleurs partir à la conquête des États-Unis. Poolside, il y a quelques semaines, a levé également une somme approchant les 500 millions de dollars pour une IA générative destinée aux développeurs. Mais quand je dis qu'il faut choisir ses combats. S'il y a un an on s'était retrouvé ici, on aurait parlé d'Alep Alpha qui était un peu l'équivalent de Mistral AI en Allemagne. Faute de cash, ils ont dû revoir drastiquement leurs ambitions et pivoter. Quand je dis qu'il faut choisir ses combats, certainement faudra-t-il trouver des solutions à l'image de l'Europe un peu plus agile, avec une capacité finalement d'assumer le bazar, mais au-delà, plus robuste, plus respectueuse de l'environnement. Et après tout, on n'a pas besoin d'un couteau suisse en permanence pour faire des tâches très précises. Et c'est certainement la voie que l'Europe devra suivre pour faire, avec un peu moins de moyens certes, que ses rivaux. C'est autant de chance à faire fructifier, me semble-t-il.

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