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Google face aux risques de scission

Le gouvernement américain demande au célèbre moteur de recherche de se séparer de son navigateur

Pour David Lacombled, président de La villa numeris, «Séparer Chrome du moteur de recherche serait un coup très sévère porté à Google».

Delphine Sabattier: Aujourd'hui, on va traverser l'Atlantique pour s'intéresser au procès de Google aux États-Unis. Un premier jury du Tribunal fédéral de Washington a déjà reconnu Google coupable de pratiques anticoncurrentielles dans la recherche sur Internet. La filiale du groupe Alphabet doit aussi répondre d'accusations d'abus de position dominante. Alors, sans même attendre le jugement qui sera donné en 2025, le gouvernement réclame que Google se sépare de son navigateur Chrome. Quelles seraient les conséquences?

David Lacombled: Séparer Chrome du moteur de recherche serait un coup très sévère porté à Google. Il faut bien voir que le navigateur et le moteur de recherche font corps sur le web, que ce soit sur votre mobile ou votre ordinateur, avec un «tout en un» qui est plutôt efficace et très fluide puisque indifféremment vous passez de l'un à l'autre, vous mettez vos favoris et vous retrouvez vos pages. C'est efficace pour l'utilisateur et lucratif pour Google qui connaît parfaitement, j'allais dire votre chemin de vie. On en sait plus et on vous retrouve mieux avec Google sur le Web que le Petit Poucet avec les petits cailloux blancs qu'il a posés derrière lui. Et cette connaissance infime permet de mieux répondre à vos goûts et à ce que vous cherchez, notamment en matière publicitaire. Et c'est vrai que c'est une mine d'or. Il faut bien voir que deux internautes sur trois utilisent Google, ça fait 3 milliards de terriens.

C’est un navigateur qui est né en 2008. A l'époque, le dominant était Explorer de Microsoft avec 60% de part de marché. Aujourd'hui, c'est 5%. Et les autres, vous les connaissez, c'est Safari sur Apple ou Firefox sur Mozilla. Autant dire que tous y voient une opportunité pour tenter de regagner un peu de poil de la bête.

Delphine Sabattier: Pour autant, céder Chrome, ça veut pas dire que c'est la fin de ce navigateur non plus.

David Lacombled: Non, bien sûr. Mais c'est quand même lui retirer une puissance immédiate. C'est comme si on mettait des pédales sur votre voiture. Ça continue de rouler, mais un peu moins vite. Alors on pourrait voir que Google va récupérer 15 milliards d'euros s'il devait être contraint et forcé de vendre Chrome. C'est une estimation de Bloomberg, mais ce n'est qu'une estimation parce qu'il n'y a pas beaucoup d'antécédents et d'outils de comparaison. Puis il faut bien voir qu'il y aura certainement peu d'acheteurs potentiels. D'autant plus qu'une fois que vous avez acheté le navigateur, il faut investir pour le maintenir à niveau. Et c'est là où Google a réussi l'exploit de faire fonctionner les synergies à fond avec le moteur de recherche bien sûr, mais aussi les outils tels que la messagerie Gmail plus toute la suite Workplace et YouTube, le réseau de vidéos. Et en plus Google avec son navigateur a imposé un standard dans les navigateurs et perdrait finalement cet avantage. C'est vrai que s'il y a une scission, je pense que le navigateur périclitera et les revenus de la recherche diminueront. C'est d'ailleurs le but recherché.

Delphine Sabattier: Et pour les utilisateurs, Qu'est-ce que ça changerait?

David Lacombled: Comme disent les marketeurs, l'expérience client serait certainement moins nickel… chrome. Avec des retours arrière qui sont toujours difficiles. Il faut bien voir qu'on perdrait la synchronisation par exemple de ces données et donc plus de difficulté en quelque sorte à naviguer. La fragmentation ensuite certainement, ouvrirait à plus de diversité à des nouveaux acteurs, même si on a vu que le ticket d'entrée est élevé. Et enfin, il faut voir qu'il y a des marchés émergents sur lesquels Google Chrome est pré-installé, et donc dissocier le navigateur de la recherche du mobile Android compliquerait très certainement l'accès.

Delphine Sabattier: On rappelle quand même que c'est une demande du gouvernement et non pas une décision.

David Lacombled: Oui, bien sûr, le gouvernement qui va changer en janvier avec l'élection de Donald Trump. On a cru comprendre entre les lignes qu'il n'était pas forcément favorable au démantèlement. Que fera-t-il? Est ce que le sort finalement de Google est entre les mains des bonnes grâces d'Elon Musk? Rendez-vous en janvier.

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