#DigitalTrends #MédiaNewBiz S3E2 | 11/05/22 | Compte-rendu
Des médias et des jeunes
A nouvelle génération, nouveaux usages et nouvelles exigences
Nouveau rendez-vous de notre cycle sur l’avenir des médias avec un décryptage des habitudes de consommation des médias par les jeunes sur la base d’une étude menée par un groupe d'étudiants de Sup de Pub.
Les échanges vifs et affirmés ont porté sur la façon dont les jeunes accèdent à l’information ainsi que la confiance accordée aux médias sous la direction de Benjamin Courchaure, professeur référent, et de Laurence Armangau, directrice marketing et communication de Sup de Pub / Omnes Education.
La consommation des médias par les jeunes
« Je suis plus numérique… forcément », lance une jeune étudiante lors du focus group. La manière dont les jeunes appréhendent leur propre consommation médiatique renvoie souvent au choix des nouveaux canaux digitaux associés à leur classe d’âge. Pourtant, rapidement, ils mettent aussi en exergue le contenu : « de l’information sur tout et rien », dit l’un d’eux. Une démarche a bien lieu : « Je varie beaucoup mes sources parce que je n’aime pas l’idée d’être figée », entend-on également. Voilà la douzaine de jeunes de Sup de pub interrogés pendant près de 3 heures avec enthousiasme. Un public particulièrement concerné, en témoigne la directrice marketing & communication & Alumni des marques Sup de Pub / Omnes Education, Laurence Armangau : « nos étudiants de Sup de Pub sont à la fois les consommateurs de l’information d’aujourd’hui mais ils sont aussi les communicants et les gens des médias de demain ».
« En cette année électorale, les jeunes s’intéressent beaucoup moins à l’actualité que le grand public. Ils ne sont que 38% des 18-24 ans à s’intéresser à l’actualité. Ils ont un rapport à l’actualité moins fort que leurs aînés » explique Laure Salvaing, directrice générale de Kantar Public France, évoquant la 35e édition du baromètre Kantar- La Croix de la confiance des Français dans les médias. A contrario, d’après cette étude, 62% des Français estiment s’intéresser à l’actualité. Les canaux pour s’informer divergent selon les générations.
Si pour la population, dans l’ensemble, la télévision est clé, l’information pour les jeunes s’acquiert « par Internet et notamment les réseaux sociaux via les smartphones », analyse Laure Salvaing. S’adressant avec Kantar Public aux gouvernements, organismes publics, institutions internationales, ONG et grandes entreprises, elle relève que « c’est n’est pas qu’un effet d’âge mais vraiment un effet générationnel qui perdurera ». L’enjeu est, pour Alex Darmon, créateur et animateur de l’émission « Les Indécis » sur YouTube, « d’aller chercher les jeunes là où ils sont.
Aujourd’hui, c’est TikTok, dans cinq ans ce sera autre chose. Les nouveaux médias sont en perpétuelle évolution et construction. » Gautier Curtil, directeur de l’offre NOWU portée par France Télévisions et son partenaire allemand WDR, le rappelle : « Le Monde a dépassé les 500 000 abonnés sur TikTok. Il arrive à toucher cette cible-là ».
Les nouveaux médias se voient, eux aussi, transformés. Pour le journaliste politique Alex Darmon, « YouTube deviendra un format de plus en plus long. Il servira de référence d’archives là où Instagram, TikTok ou Snapchat sont des références d’information ». D’ailleurs, le mot de « consommation » est particulièrement « adapté » pour David Lacombled, président de La villa numeris, relevant que « les médias sont ainsi appréhendés comme d’autres biens. « C’est un mode passif de consommation au fil de l’eau », considère-t-il.
Gautier Curtil, présente les débuts de la marque média née à l’automne 2021 avec l’ambition de « lancer une nouvelle marque pour la jeunesse ». Il s’agit, avec ce média « pour se bouger face à l’urgence environnementale » de « coconstruire avec les publics une ligne éditoriale ». « Le projet est construit comme une start-up », explique-t-il. Occasion de retisser un autre lien et de faire naître une confiance.
La confiance des jeunes dans les médias
« On ne fait peut-être pas aussi l’effort de s’informer », reconnaît l’un des jeunes panélistes. « On est noyé dans ce flux » d’informations, regrette un autre. Aussi, Laure Salvaing évoque la volonté de « chercher l’information de pair à pair », c’est-à-dire auprès de quelqu’un dont « on a confiance avec une proximité très forte ». « Pour une génération poisson rouge ; quand les sujets sont intéressants et quand elle participe, elle est prête à y consacrer du temps », analyse Laurence Armangau, a propos des thématiques abordées lors du focus group.
« Les jeunes sont prêts à accorder leur confiance mais pas à n’importe quel prix » décrypte le président de La villa numeris, David Lacombled. « Ce qui marche avec nous, c’est l’engagement et la transparence », relate Gautier Curtil à la tête de la marque exclusivement numérique Nowu qui adopte un « ton positif » et entend refuser l’anxiété. « On essaie d’être un média de solution », explique-t'il.
« Les médias on ne pourra pas les contrôler, le mieux c’est de nous contrôler nous-même », analyse l’un des participants au focus group. « Malgré qu’on ait une confiance, il faut continuer à vérifier l’information », souligne l’un des jeunes. Pour David Lacombled, il y a « un besoin de marques repères et de vigies dans l’océan numérique ».
Les journaux et la presse écrite sont, ainsi, convoqués par les jeunes lorsque la question de la crédibilité des médias est posée. « Le papier continue à avoir cette aura et crédibilité », souligne Laure Salvaing. D’ailleurs, « les jeunes vont peu sur les sites internet des journaux traditionnel. Quand ils parlent de la presse, il s’agit de la presse papier. L’imprimé a un côté symbolique fort », indique la directrice générale de Kantar Public France. Elle souligne que, pour les jeunes, « ce qui compte ce sont les informations qui ont du sens. Ils sont consommateurs de points de vue, d’une information qui aura été remaniée pour lui donner du sens. Le reste du grand public préfère consommer de l’information et la digérer lui-même ». A nombre de reprises le journaliste Hugo travers est cité. L’initiateur de l’émission hebdomadaire Mashup sur Twitch a, pour Alex Darmon, « le syndrome de Kev Adams. Hugo Travers a réussi à grandir avec son public. Il s’est adapté et s’est transformé au fil du temps. Quand on regarde le fond des formats, il fait de la télévision sur des nouveaux médias ».
Politique et médias
« On a énormément d’ingérence soit de grands groupes privés soit de pays qui essaient de venir perturber ce rapport de confiance entre la prise d’information qu ’on a et ce qu’on en fait derrière », constate l’un des jeunes.
« Une volonté d’engagement et de transparence des médias » voici ce qui émerge des attentes des jeunes relève David Lacombled. Aussi, Nowu compte parmi ses partenaires l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie (Ademe) ou encore Météo France. Il a « de bons gardes fous », raconte Gabriel Curtil. Il indique que les partis-pris sur le site internet sont importants. Il explique ainsi l’absence de « tracking data dans les codes. On est dans une logique de sobriété numérique, de green IT » avec ce site éco-conçu.
« Dès qu’il y a une esquisse de débat, cela glisse vers une opposition » lance un jeune du focus group présent lors de la matinée #DigitalTrends. En effet, David Lacombled le déplore : « C’est tout blanc ou tout noir. Il y a peu de pan à la discussion pour atteindre la véracité ». En effet, pour Gautier Curtil, « le seul fait de débattre des sujets peut faire remonter des tensions ». Laure Salvaing le confirme : « La peur du conflit et de la tension est très marquante chez les Français. Les Français veulent des débats apaisés et bienveillants ». « Pour nous les jeunes, c’est important qu’on ait une pluralité d’avis », affirme l’un d’eux. Gautier Curtil le confirme : « c’est sain que les médias puissent débattre ». Il évoque ainsi le partenariat de sa marque média avec l’association « Le Crayon » entendant défendre la liberté d’expression. Cette dernière, pour Alex Darmon, permet de « ramener toutes les sensibilités et les confrontent ». Il évoque les débuts de son médias « Les Indécis » en 2016 : « le débat sain quand il est mené et guidé ».
« Il n’y a plus de barrières sur les réseaux sociaux », relève un jeune. D’ailleurs, « pour trouver des informations, les jeunes vont en premier sur les réseaux sociaux », explique Laure Salvaing. Evoquant les agrégateurs d’information, Alex Darmon considère qu’« ils valent mieux que Twitter. Je ne pense pas que Twitter soit une source d’information très légitime ». « Est-ce qu’on me donne l’information parce que c’est de l’information factuelle ou réelle ou parce qu’on a intérêt à me la donner sous cette forme-là ? », interroge, lucide, l’un des jeunes. « Les médias sont un vecteur de démocratie » relate l’un des jeunes. Gautier Curtil rappelle « la logique de structuration de l’offre en partant du constant que tous les médias traditionnels en Europe ne touchent plus jeunes ». Or, « la plus grande préoccupation de ces jeunes est la santé de la planète ».
Education aux médias
« La solution la plus simple, la plus efficace c’est l’éducation », affirme, sans détour, l’un des jeunes du focus group. Pourtant, de l’avis général, celle-ci est, aujourd'hui, loin d’être suffisante. Pour se saisir des messages, les appréhender et les décrypter avec recul, un apprentissage est nécessaire : les jeunes en sont conscients. « Je trouve problématique le déficit de l’éducation », le constat est lapidaire. « On est la génération qui est partout qui veut être à l'affût de tout », quitte à laisser de côté l’analyse et la mise à distance des plus nécessaires.
« On n’est pas adapté à un environnement qui va super vite », relève l’un des étudiants. « Notre système éducatif est tellement ancien. Ce n’est pas du tout stimulant pour beaucoup de personnes » relève un des jeunes du focus groupe. Pour Alex Darmon, « il faut une prise de conscience de la société. Je ne crois pas que ce soit uniquement aux parents ou aux professeurs de l’avoir. C’est à chacun ». C’est, pour David Lacombled, « un impératif pour les générations suivantes ». Il en va de la démocratie. « Une trop grande société ignorante est souvent manipulée par la peur, les émotions, est en danger », rappelle fermement l’une des jeunes participantes.
L’éducation aux médias est cruciale. Au-delà des enjeux propres à ce secteur, elle forme aussi le citoyen de demain. C’est aussi, une façon, souligne David Lacombled, d’ « exercer son libre-arbitre et un esprit critique ».
Face à un constat sans appel sur l’éducation telle qu’elle existe aujourd’hui, les jeunes insistent sur une éducation aux médias solides et acquises dès le plus jeune âge : « il n’y a pas d’âge pour apprendre à s’informer. Ce n’est jamais trop tôt. Plus tu es habitué à t’informer et à comprendre les mécanismes de l’information jeune, plus tu vas être apte à consommer et à digérer le flux d’information ».
« En matière d’éducation, les jeunes prônent une réforme totale du ministère tant le parcours parait complétement déconnecté de la réalité de l’éducation aux médias » note David Lacombled. Voilà, « un vrai sujet sociétal d’éducation aux médias. Il est important que l’Etat se saisisse de ce sujet », lance un jeune présent lors de la matinée. Un appel que le futur locataire de la rue de Grenelle gagnerait vivement à entendre.
:: Les vidéos
Focus groupe des étudiants de Sup de Pub réalisé le 15 mars 2022 dans la perspective de la rencontre :
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C’est Humain sur B :
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