Capital, gouvernance et revenus

Capital, gouvernance et revenus

#DigitalTrends #MédiaNewBiz S3E1 | 11/03/22 | Compte-rendu

Des médias au défi de l’indépendance

Pression économique, cadre législatif, l’indépendance des médias en ouverture de notre troisième saison sur leur avenir 

Dans un paysage médiatique en perpétuel renouvellement, face à des géants du numérique qui captent la valeur publicitaire, les données et donc la connaissance des consommateurs, alors que le marché se consolide et que les audiences se morcellent, la pérennité financière, la liberté et l'autonomie semblent plus que jamais un combat à relever pour les médias.

Pour entamer ce nouveau cycle de rencontres, le think tank a porté son attention, vendredi 11 mars 2022, sur la valeur d’indépendance des médias, alors que le projet de fusion TF1/M6 fait grand bruit tout comme l’importance de groupes industriels  dans le paysage.

Les moyens de l’indépendance A la faveur de la commission d'enquête «Concentration des médias en France» créée par le Sénat, dirigeants, syndicats et représentants des médias ont été interrogés par la commission présidée par Laurent Lafon. «Dans un monde menacé sur le plan économique, les médias doivent pouvoir préserver ce qui fait leur spécificité : liberté de création et indépendance des rédactions», explique Amaury de Rochegonde, rédacteur en chef-adjoint du magazine professionnel Stratégies. Pour lui, « e législateur devra s’emparer tôt ou tard de ce sujet». En effet, Amaury de Rochegonde explique qu’il n’est «pas possible de réfléchir au monde des médias de l’information sans le numérique».

«Les acteurs qui souhaitent se concentrer mettent en avant un motif principal : la nécessité de grossir pour peser plus lourd» face aux géants du digital décrypte Amaury de Rochegonde co-auteur de «Médias, les nouveaux empires» (First). A ce sujet, Maryam Salehi, directrice déléguée du Groupe NRJ considère que «pour résister à la puissance des GAFAM, la fusion de TF1 et M6 n’est pas la solution. Des acteurs comme Netflix ne prélèvent pas un centime sur le marché publicitaire. Leur modèle économique repose sur l’abonnement. Ce ne sont pas les concurrents de TF1 et de M6 et ne peuvent pas justifier la fusion». Il s’agit, pour elle, bien davantage de «desserrer l’étau de régulation, qui, en matière d’audiovisuel, existait au moment du Minitel». «Il faudrait que les rédactions bénéficient de deux instruments : la possibilité de valider la nomination du directeur de la rédaction avec un droit de veto et celle d’être représentées au conseil d’administration pour défendre directement auprès des actionnaires leurs intérêts», considère Amaury de Rochegonde. Au sein du quotidien La Croix, «les journalistes élus font tous les mois une réunion avec le trio de direction ; sur l’économie du journal, les conditions de travail des journalistes» explique Philippe Colombet, directeur de La Croix notant que cela permet d’«avoir un effet miroir sur la stratégie et être capable de piloter le changement».

Moins de naïveté

«Aujourd’hui, on est un peu sortis de la naïveté» constate Amaury de Rochegonde notant que «les GAFAM ont compris qu’il ne fallait pas faire des médias des ennemis mais des alliés. Des groupes de média ont épousé des stratégies d’alliance parfois au détriment d’une sorte de militantisme qu’il devrait y avoir. C’est un combat pour la défense d’une forme de patrimoine immatériel et essentiel» alerte Amaury de Rochegonde. Il souligne combien importe «une réflexion beaucoup plus critique vis-à-vis des plateformes, sur la circulation des fake news et la façon dont les GAFAM prennent possession du monde économique sans contrepartie».

Maryam Salehi émet de «sérieux doutes et interrogations au sujet des audiences des GAFAM qui s’auto-évaluent. Chez les GAFAM, l’équivalent de Médiamétrie, tiers de confiance indépendant, n’existe pas. C’est un enjeu de transparence capitale. On ne peut pas pour la mesure d’audience être juge et partie».

Les armes de l’indépendance

De la crise de la distribution de la presse à la pandémie du Covid-19, les tempêtes sont variées. «On sait affronter les tempêtes avec les armes de notre indépendance en se comportant comme une entreprise privée» relève Philippe Colombet, directeur de La Croix prenant appui sur «l’écoute des publics, la diversification des revenus et l’adaptation. Notre indépendance est liée à nos bons résultats.» Pour lui, «conserver notre indépendance c’est continuer à dégager des résultats, continuer à avoir des relations saines avec notre actionnaire qui nous accompagne, nous aide à investir dans les contenus et la data». Cette stabilité de l’actionnaire est louée par Maryam Salehi, directrice déléguée du Groupe NRJ évoquant «la forte présence en local et l’attachement à l’indépendance avec un actionnariat stable. L’indépendance est un enjeu de la démocratie, nous y sommes viscéralement attachés».

Autre levier celui de la diversification des publics en France et à l’international. «On est capable de décliner nos marques. Entre 15 et 20% du chiffre d’affaires est réalisé à l’étranger, cela ne nous rend pas totalement dépendant de la conjoncture française et cela nous donne des idées» explique Philippe Colombet.

Une indépendance qui se reflète dans les contenus à travers notamment la manière dont «La Croix a été en capacité d’accompagner la publication du rapport Sauvé, et d’enquêter. Le besoin de vérité se fait en indépendance. Si nous sommes acheté, c’est que nous sommes indépendants des pouvoir économiques ou d’autres formes de pression». Une confiance dont les lecteurs en savent gré.
 

:: Nos grands témoins

Philippe Colombet
Directeur
 La Croix
Maryam Salehi
Directrice déléguée
Groupe NRJ
Amaury de Rochegonde
Rédacteur en chef-adjoint
Stratégies

 
:: Pour aller plus loin

  • Dossier législatif de la Commission d'enquête sénatoriale «Concentration des médias en France» >> Voir
  • «Medias : les nouveaux empires», Amaury de Rochegonde (First) >> Acheter

 

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