Deux questions à ...

Deux questions à ...

Bruno Le Maire : «Il n’y aura pas de souveraineté politique sans souveraineté technologique»

Pour le ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance, «la France et l’Europe doivent investir massivement dans leurs technologies et dans l’innovation»

A dix jours de la 2e édition des Assises Data Transformation qui se déroule, cette année encore sous son haut-patronage, Bruno Le Maire partage sa vision alors qu’il évoque largement les enjeux de l’économie numérique dans son dernier essai Un éternel soleil.

La villa numeris : Dans votre dernier essai, vous entendez nourrir «le débat de fond qui a déserté depuis longtemps la scène nationale». Comment retisser des liens de confiance entre les citoyens eux-mêmes et avec leurs élus pour permettre ce débat ? Comment refonder la démocratie à l’ère du digital ?

Bruno Le Maire : Cette année 2022, marquée par l’élection présidentielle, constitue un moment idéal pour poser des débats fondamentaux pour le quotidien et l’avenir des Français. Je pense par exemple à la valorisation du travail, qui est au cœur de notre politique depuis cinq ans.

Je pense aussi à l’éducation : la réforme de l’enseignement au lycée et le dédoublement des classes en primaire ont constitué des réformes fondamentales. Il faut maintenant aller plus loin. Dans mon dernier ouvrage, je propose de faire de l’éducation la grande cause du prochain quinquennat.

Je pense enfin à la place de l’islam dans la société française, une question qui n’est pas encore résolue.

Pour que ces débats puissent avoir lieu sereinement, il est urgent de retisser des liens de confiance entre les citoyens et leurs élus, par des propositions concrètes de refonte de notre gouvernance politique.

Si nos concitoyens ont confiance en leur maire, c’est parce qu’ils l’identifient et qu’ils saisissant le caractère essentiel de son rôle. Afin que nos concitoyens replacent leur confiance dans le Parlement, il parait essentiel que sa composition et son fonctionnement soient révisés : le nombre de parlementaires doit être réduit, les procédures législatives, simplifiées, et le rôle de contrôle du Parlement, renforcé.

La même logique doit s’appliquer au Gouvernement. Dans Un éternel soleil, je propose quelques réformes simples mais essentielles : les hauts-fonctionnaires devraient être dans l’obligation de démissionner de la haute fonction publique avant de devenir ministres ou parlementaires. Le Premier ministre devrait, lui, être installé à proximité immédiate du président de la République ; le Gouvernement, composé de 15 à 20 ministres maximum ; les ministères, rationalisés par « unité de commandement » - en unissant, par exemple, les ministères de l’Economie et de l’Ecologie.

Une République est forte, lorsque ses citoyens se sentent également et légitimement représentés, par des institutions et une gouvernance politique adaptées à leur époque. C’est une évolution difficile, mais essentielle à mener !

LVN : Face aux deux puissances numériques efficientes que sont les Etats-Unis et la Chine, quels sont les prochains défis technologiques que la France et l’Europe doivent relever ? Y-sont-elles prêtent ?

BLM : Au 21e siècle, il n’y aura pas de souveraineté politique sans souveraineté technologique. Les grandes puissances du 21e siècle seront des puissances technologiques. La Chine et les Etats-Unis le sont. La France et l’Europe doivent le devenir, en investissant massivement dans leurs technologies et dans l’innovation.

L’innovation est notre meilleure arme pour construire notre indépendance. Elle l’est aussi pour réconcilier croissance et lutte contre le réchauffement climatique. Nous faisons le choix d’une France et d’une Europe qui conquissent leur indépendance par la technologie, en stimulant l’innovation.

Mais soyons clairs : innover, cela coûte cher. Aucun Etat européen ne peut investir, seul, 30 milliards d’euros dans le développement d’une filière hydrogène ; aucun Etat européen ne peut construire, seul, une usine de production de semi-conducteurs.

Il faut donc des investissements massifs, et pour cela, il faut rassembler nos forces européennes.

Nous pouvons stimuler l’innovation en Europe à trois conditions. Tout d’abord, acteurs publics et acteurs privés doivent investir massivement ensemble ; c’est la raison pour laquelle nous devons bâtir notre union bancaire et notre union des marchés de capitaux, et renforcer notre intégration fiscale.

Nous devons ensuite renforcer la coopération entre les Etats membres, à l’image de notre exceptionnelle solidarité pendant la crise. Cette coopération s’inscrit notamment dans les nouvelles alliances industrielles et technologiques européennes, dans les batteries, les semi-conducteurs, l’hydrogène, la santé ou encore l’espace.

Enfin et surtout, nous, Européens, devons retrouver notre goût pour le risque. Ce combat n’est pas seulement technologique ; il est culturel. Nous devons retrouver le courage qui a fait la force de l’Europe, pour reconquérir notre pleine souveraineté et notre puissance.

:: Pour aller plus loin :

  • Un éternel soleil, fiche de lecture réservée aux membres de La villa numeris >> Lire