The Robot Of The Year

The Robot Of The Year

Interview

«Bâtir un monde meilleur et plus durable»

The Robot Of The Year se déroulait, pour la première fois, le 26 novembre 2018  à Station F

La villa numeris : comment et pourquoi est né The Robot of The Year ?

Gilles Folin co-fondateur de The Robot Of The Year et partner au sein de What’s Next Partners : The Robot Of The Year est né il y a un peu plus d’un an, d’un constat. L’intelligence artificielle et les robots sont l’objet de nombreuses peurs et de quelques rêves, des fantasmes régulièrement alimentés par des prédicateurs sur-médiatisés, qui dessinent un avenir utopique parfois, dystopique le plus souvent, où l’homme se fait dépasser par sa création, cette machine qui devait l’aider à s’affranchir des corvées mais qui finit par l’asservir quand elle n’essaye pas de l’anéantir. Des scénarii qui font écho à de nombreuses œuvres de science-fiction, où HAL 9000, Skynet et autres robots universels de Rossum s’apprêteraient à surgir au passage du point de singularité.

Une vision romanesque, peut être pas totalement improbable, mais surtout une vision fataliste qui ne nous laisse que peu ou pas d’options, si ce n’est de tout arrêter ou d’envisager de nous augmenter en hybridant l’homme et la machine pour survivre ou du moins rester compétitif.

Nous sommes convaincus que l’intelligence artificielle et les robots peuvent nous aider à significativement améliorer la vie des personnes et à bâtir un monde meilleur et plus durable. Néanmoins, nous avons conscience que le déploiement de l’intelligence artificielle et des robots aura de profondes conséquences sociales et éthiques pour la société humaine, impliquant de nombreux défis relatifs à des sujets comme la sécurité, la vie privée, la transparence, l’équité, la moralité, la responsabilité mais aussi l’emploi et l’organisation du travail.

Pour profiter pleinement du potentiel extraordinaire des intelligences artificielles et des robots, nous devons nous poser les bonnes questions dès aujourd’hui afin de nous assurer qu’ils sont développés de manière à servir le bien-être humain et le progrès social.

C’est tout le propos de The Robot Of The Year qui réunit un panel d’expertises internationales diverses et complémentaires : scientifiques, entrepreneurs, sociologues et philosophes.

The Robot Of The Year a pour objectif de questionner, de rendre le sujet compréhensible, de le sortir du fantasme, d’imaginer des solutions et définir le cadre d’un avenir désirable avec l’IA et les robots.

Une démarche qui se matérialise à travers des conférences mais aussi et surtout, dans la sélection de lauréats évalués par nos membres du jury pour un prix qui met en lumière des innovations en intelligence artificielle et robotique, conçues pour le bénéfice de la société humaine dans plusieurs secteurs industriels. Des innovations qui puissent inspirer et servir d’exemples à suivre.

LVN : On parle beaucoup d'éthique, est-ce que cela ne risque-t-il pas d'être un frein ?

Gilles Folin (photo) : Derrière le sujet de l’éthique appliqué à l’IA et à la robotique, se cache souvent en premier lieu, la question de la régulation. Mettre en place un cadre juridique très strict et préventif risque effectivement de ralentir ceux qui l’appliquent voir de les mener à des impasses qui tueraient l’innovation dans l’œuf, nous privant ainsi d’une innovation bénéfique pour l’homme et la société.

Pour réguler, certains sujets sont murs et ne prêtent pas ou peu à discussions comme la protection de la vie privée ou de l’intégrité physique et psychologique des individus. D’autres sont plus complexes comme ceux touchant à la traçabilité d’une décision prise par une IA et à la responsabilité liée aux conséquences de cette décision.

Tout est alors une question de temps : le temps nécessaire pour créer les conditions d’un dialogue constructif et éclairé entre les concepteurs d’IA et de robots, les exploitants de ces solutions et les législateurs, comme le temps nécessaire pour tester une innovation et mesurer le rapport du bénéfice sur le risque. Le temps doit être respectable, le temps doit être respecté, un juste timing pour ne pas réguler ni trop tôt ni trop tard.

Au delà de la question de la régulation, aborder le sujet de l’éthique en IA et en robotique, c’est la nécessité de questionner notre présent pour améliorer notre futur. Une nécessité comme celle par exemple, de mettre un peu plus au grand jour, des inégalités, discriminations et dysfonctionnements pré-existants dans la société. Les intelligences artificielles apprennent des données. Suivant la nature de ces données et la manière dont elles ont été sélectionnées et traitées, il y a des chances qu’elles comportent ou induisent des biais. Biais qui seront reproduits par les intelligences artificielles, avec le risque de voir les inégalités ou dysfonctionnements amplifiés. Un problème illustré lors d’expériences récentes menées sur des sujets liés au process de recrutement dans les entreprises ou dans le cadre de procédure de sécurité utilisant les technologies de reconnaissance faciale. Si l’intelligence artificielle nous amène à prendre un peu plus conscience de ces biais, elle pourra aussi nous aider à les corriger.

Enfin, la question de l’éthique amène aussi à s’interroger sur la possibilité et la nécessité d’inculquer des valeurs morales à une intelligence artificielle ou un robot. Un sujet qui s’il est pertinent et nécessite d’y réfléchir, reste un sujet d’anticipation. Il n’aura de sens qu’à partir du moment où l’on verra émerger des IA que l’on qualifie de fortes, capable de raisonner et de prendre des décisions de façon totalement autonome, concurrençant d’une certaine manière l’humain ou pouvant interférer avec ses directives. Si certain la prédise, avec l’idée que l’homme puisse perdre le contrôle sur sa destinée ; aujourd’hui ce type d’IA n’existe pas ou du moins pas pour tout de suite.

Inviter l’éthique dans le débat aujourd’hui, c’est se donner les moyens de se poser les bonnes questions pour bâtir un avenir souhaitable. The Robot Of The Year a établi une première proposition de 10 principes éthiques qui a pour but de servir de base de réflexion, pour amener les concepteurs et exploitants d’intelligence artificielle et de robots à prendre conscience de leurs responsabilités, et les utilisateurs à s’informer, participer au débat et prendre des décisions en connaissance.

LVN : Quels sont les atouts de la France pour mener la bataille de l'IA ?

Gilles Folin : Des formations d’excellence, des chercheurs et ingénieurs que le monde nous envie, un gouvernement qui fait du sujet un enjeu stratégique et qui y met les moyens, la France possède indéniablement de nombreux atouts. Seront-ils suffisamment pour être compétitif face aux USA et à la Chine ? Des acteurs qui au delà des moyens investis, disposent de marchés 5 à 20 fois plus grands que le notre ?

Peut-être est-il nécessaire de trouver des alliés (l’Europe), de prendre des raccourcis (de bypasser ou disrupter pour reprendre des terminologies à la mode) en abordant le sujet différemment, ou de se concentrer sur des champs de recherche et d’application spécifiques surslequels on pourrait rapidement devenir référent et leader.

//. A savoir

The Robot Of The Year est une initiative portée par Philippe Nacson (photo), fondateur de The Robot Of The Year et founding partner de Ai.VEN, et par Gilles Folin, co-fondateur de The Robot Of The Year et partner au sein de What’s Next Partners.