Allier technologie et savoir-faire européens

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#DigitalTrends avec David Baverez, le compte-rendu

2017, année de la Chine digitale ?

David Baverez était l'invité de #DigitalTrends mercredi 4 janvier 2017

Pendant une heure, l'essayiste a défendu sa vision d'une Génération Tonique qui a tout à gagner à s'ouvrir à la Chine.

Repenser les repères dans un monde sous tension

« On passe de 700 millions d’Occidentaux à 7 milliards d’habitants ». Investisseur installé à Hong Kong, David Baverez souligne la manière dont la Chine fait évoluer l’ensemble des acteurs occidentaux  et leur conception d’un marché qui se multiplie par 10.

Il note une « triple révolution » : géopolitique, énergétique et technologique. Cette concomitance qui a lieu actuellement rappelle celle de la Révolution Industrielle de la seconde moitié du XIXème siècle. Ainsi, se joue une part de l’Histoire comme à Hong Kong où les changements sont légion.

Le digital ? La chance de l’Europe pour les 5 prochaines années

Pour David Baverez, les Occidentaux « ont, en Chine, une fenêtre de tir d’un quinquennat ». Cette chance « incroyable » est limitée dans le temps. En effet, au bout de ces quelques années, les Chinois seront capables de reproduire et « n’auront plus besoin de nous ». Ils auront, ainsi, acquis  la maitrise de la voiture connectée.

Il est temps pour  l’Europe de s’approprier la révolution digitale. L’auteur de Génération Tonique décèle ainsi deux temporalités au sujet de cette révolution.

Dans un premier temps, les Etats-Unis ont prédominé face à l’Europe qui «  a raté cette phase ». Cette dernière n’a pas eu d’effets d’échelle ce qui a coûté à Meetic face à Match.com.

« On entre dans une deuxième phase beaucoup plus intéressante » souligne l’investisseur. Celle-ci s’inscrira en faveur de l’Europe. L’élection de Donald Trump s’apparente, en effet, à un frein pour les technologies américaines en Chine. Les effets d’échelle sont bien plus importants en Chine. C’est d’ailleurs ce qui permet à celle-ci d’être très bien située dans le classement des FinTech. Sur les 5 premières mondiales, 4 sont chinoises.

L’automobile comme appréhension de la révolution digitale

S’offrir une voiture, oui. L’essence, non. La manière dont les coûts sont perçus évolue considérablement au regard de l’appropriation de « la chaine de valeur » par les Chinois. L’exemple de l’automobile est significatif.  Ils peuvent accepter, par exemple, de payer une voiture très haut de gamme qui met en relief un statut social et un symbole de réussite. En revanche, le consentement à payer pour l’essence sera moindre car cela consisterait à payer « comme tout le monde ».

La Chine déplace les usages établis quant à l’achat d’un véhicule neuf.  Si l’acheteur moyen est de 56 ans en France, de 46 ans aux Etats-Unis, il est  de 36 ans en Chine. D’ailleurs, en 2020, la voiture électronique y sera plus vendue que la diesel.

La voiture est définie par, David Baverez comme un «  service de mobilité pour la semaine et le week-end ». Celle-ci comporte en moyenne 1.7 personne. Si de prime abord, la Smart peut apparaitre comme la voiture, elle n’est destinée qu’aux plus riches couples. Elle nécessite en effet 2 places de parking : domicile et lieu de travail. Il ne s’agit pas tant de construire des voitures de petites tailles que de changer  « l’utilisation de la voiture. C’est ce qui va sauver l’automobile ».

Allier technologie et savoir-faire européens

« Jusqu’à présent, Internet n’a rien délivré. » Il n’y a pas eu de gain de productivité et de fait pas d’augmentation de salaire.  Ainsi, aux Etats-Unis, le salaire médian est le même qu’il y a deux décennies. Le futur consiste en des «  réseaux sociaux ciblés avec  des liens forts » contrairement aux liens faibles de Facebook. Ainsi, le réseau social chinois WeChat, qui a saisi l’importance des liens forts, a 7 fois la monétisation de WhatsApp.

« La réciprocité ne va pas être négociée par des politiques ». C’est du côté de l’entreprise que David Baverez se tourne pour que les acteurs expliquent à la Chine ce qu’il en est véritablement de son gain de productivité qui s’est affaibli. Pour lui, « la technologie occidentale », combinée à « un aspect humain », est primordiale. Le service et le savoir-faire occidental sont clés.

Répondre à un besoin

Le gouvernement chinois est pragmatique. Il s’agit, d’après David Baverez, «d’aider à résoudre les problèmes de productivité pour augmenter les salaires et rééquilibrer l’économie par la consommation intérieure qui est aujourd’hui en difficulté. » Si les réseaux sociaux étrangers sont interdits en Chine, un seul a pu toutefois y entrer : LinkedIn. Le réseau social professionnel joue ainsi un rôle pour améliorer l’adéquation entre l’offre et la demande sur le marché des gens éduqués. Il se présente comme une réponse face aux 7 millions de diplômés par an en Chine qui ne trouvent pas de travail. LinkedIn propose non seulement une technologie mais également une réponse à un problème humain. L’éducation est un secteur où le digital doit être investi. « C’est celui qui a le moins compris le digital alors qu’il est censé nous préparer à l’avenir » déplore David Baverez. En 2020, 200 millions de jeunes seront diplômés.

Autre enjeu clé pour la Chine : l’enfant unique. Ce sont plus de 40 millions d’hommes chinois qui sont célibataires. Il a ainsi été créé « la journée des célibataires » le 11 novembre. Les dépenses y sont légion. En 2016, il y a eu16 milliards de vente. Alibaba a donné 100 millions de crédit en une journée. Aucune banque n’est capable d’agir de la sorte.

Une classe moyenne chinoise ?

« Avant même d’exister, la classe moyenne va âtre laminée ». Elle représente uniquement entre 100 et 120 millions de personnes soit 10% de la population chinoise. Ainsi, ce sont 50 millions d’enfants chinois qui suivent des cours du soir et non plusieurs centaines de millions comme on pourrait le penser.

85% de la future croissance de la Chine viendra de cette classe moyenne. Cette dernière risque de connaitre beaucoup de difficultés à augmenter son pouvoir d’achat. L’un des tabous en Chine demeure  «l’inégalité dans la répartition des richesses ».

Le défi culturel

Sur le plan de la culture, le Vieux continent peut se révéler être un véritable allié pour la Chine.  En 2016, les recettes du cinéma en Chine, qui compte 40 000 salles, étaient de +4% au lieu des 40% prévus en raison d’une censure stricte émise par le gouvernement. Il en va de même pour la sphère muséale. Chaque jour est construit un musée en Chine. Il faut des pièces. « L’Europe a un avantage incroyable qu’on ne sait pas exploiter ». Le digital est une réponse.

Les liens humains seront également à prendre en compte. En Chine, la famille est « la valeur fondamentale ». L’enjeu sera, de fait, de répondre à un enfant unique élevé par des parents totalement à l’écart des enjeux d’internet, sans interlocuteur. C’est ce qui « déterminera la Chine au XXIème siècle » explique David Baverez.